La Fifa et son président entraînés dans la spirale de la guerre froide entre Washington et Moscou
Il y a derrière l’acharnement des médias occidentaux contre Sepp Blatter quelque chose d’anormal. Soumis à un feu nourri, le président de la Fifa a voulu prouver au monde que s’il devait quitter la très influente organisation footballistique mondiale, il le ferait de son propre gré. C’est ainsi qu’il s’est fait réélire pour un cinquième mandat avant de claquer la porte. Mais que cache cette démission ? Le président russe est convaincu que le coup vient des Américains. Vladimir Poutine, qui a défendu le Suisse démissionnaire, est revenu sur la série d’arrestations de dirigeants de la Fifa qu’il qualifie d’étrange, «car [ces] arrestations ont eu lieu à l'instigation d'accusations de corruption émises par les Etats-Unis», a soutenu Poutine, estimant que «c'est encore une fois une tentative manifeste des Etats-Unis d'appliquer leur juridiction sur d'autres Etats souverains». Le président russe n’exclut pas que certains des dirigeants de la Fifa aient «violé la loi», mais il dénie aux Etats-Unis le droit de «se mêler de cela» dans la mesure où il s’agit de fonctionnaires internationaux : «Ces fonctionnaires ne sont pas des citoyens des Etats-Unis, et même s'il y avait effectivement eu quelque violation, elle ne s'est pas produite sur le sol américain (…) Les Etats-Unis n'ont rien à faire là-dedans. C'est encore une fois une tentative manifeste des Etats-Unis d'appliquer leur juridiction sur d'autres Etats souverains», a argué Vladimir Poutine, qui dit n’avoir aucun doute que les arrestations des responsables de la Fifa relevaient «d'une tentative concertée pour empêcher la réélection de M. Blatter au poste de président» de cette instance. «Ce qui constitue, a-t-il relevé, une violation très grave du mode de fonctionnement des organisations internationales». Vladimir Poutine en veut pour preuve le fait que la justice américaine ait «déjà annoncé que ces responsables de la Fifa ont effectivement commis des crimes», foulant au pied le principe de la présomption d’innocence. «Seule une cour de justice peut déclarer quelqu'un coupable ou non coupable, et c'est seulement après cela que quiconque peut s'exprimer sur la question, même en supposant que les Etats-Unis aient pu avoir quelque légitimité à demander l'extradition de ces individus, bien que leurs crimes supposés aient eu lieu en dehors du territoire américain», a encore insisté Vladimir Poutine qui jette ainsi un pavé dans la mare et réoriente l’opinion publique internationale vers une autre piste que celle que veulent imposer les Etats-Unis et leurs alliés européens à travers la très puissante industrie de masse. Poutine fait un lien entre cette affaire et la traque de l’ancien agent de la NSA, Edward Snowden, en rappelant que les Etats-Unis sont habitués à employer l’espionnage et la persécution «pour parvenir à leurs fins» : «Je n'exclus pas la possibilité que la même chose se produise avec la Fifa.» Le président russe a tenu ces propos la veille de la réélection de Sepp Blatter à la tête de la Fifa et, donc, avant sa démission. Les Russes savaient d’avance que les Américains en voulaient au Suisse d’avoir permis à la Russie d’organiser la Coupe du monde 2018 en Russie et qu’ils ont œuvré à la déchéance de Blatter. Mais ce dernier avait pu regagner la confiance des dirigeants de l’instance aux destinées de laquelle il préside depuis 1998 avant de décider de se retirer, se sachant certainement incapable d’affronter la machine broyeuse de Washington. Avec cette affaire, le football, déjà souillé par l’argent sale, est désormais directement mêlé à la géopolitique. La balle ronde fait désormais partie de l’arsenal dans la guerre froide qui a repris de plus belle entre l’Est et l’Ouest.
Karim Bouali