Ce que le père de Mohamed Merah déclarait à Algeriepatriotique avant son expulsion de France
Algeriepatriotique : Votre fils vous accuse ainsi que votre famille d'être acquis aux thèses du FIS dissous et d’être des sympathisants du GIA, à tel point, écrit-il, qu'ils étaient, lui et ses frères, prédestinés à être des «hors-la-loi». Que répondez-vous à cela ?
Algeriepatriotique : Votre fils vous accuse ainsi que votre famille d'être acquis aux thèses du FIS dissous et d’être des sympathisants du GIA, à tel point, écrit-il, qu'ils étaient, lui et ses frères, prédestinés à être des «hors-la-loi». Que répondez-vous à cela ?
Mohamed Ben-Allal Merah : Tout ce qu'il dit est absolument faux. Nous n'avons rien à voir avec le FIS ni avec le GIA. Nous sommes une famille croyante et qui respecte les lois de notre pays. Tous mes enfants ont été élevés d’une manière correcte et suivant les préceptes de l’islam. Leur mère peut en témoigner. Mohamed, Abdelkader et Souad étaient très pieux. Mon autre fille, Aïcha, par contre, n'était pas très pieuse, mais cela ne l’empêchait pas d’être une femme rangée, contrairement à son frère Abdelghani qui n’a pas cessé de nous créer des problèmes.
Les accusations que votre fils Abdelghani porte contre vous émanent-elles de lui ou est-il manipulé, selon vous ?
Les deux. C'est bien lui qui dit cela, car il est contre nous tous : sa mère, sa sœur, ses frères… Mais je n’écarte pas l’hypothèse qu’il ait été payé pour gêner l'affaire en cours. Il n'a pas agi seul, j'en suis convaincu. Quand son frère est décédé et que nous voulions rapatrier sa dépouille en Algérie pour l'y enterrer, il n'a pas voulu et a exigé qu'il soit inhumé en France. Je lui ai dit que Mohamed avait, de son vivant, émis le vœu d’être enterré en Algérie, mais il n'a rien voulu savoir. Par ailleurs, quand il a su que j'avais déposé plainte contre la DCRI, il s’est mis dans tous ses états. Il m’a tenu ces propos : «Honte à toi ! Pourquoi t’attaques-tu à la France ?» Je lui ai répondu que je n'attaquais pas la France, mais plutôt les services de sécurité qui ont encerclé mon fils durant 32 heures et l'ont exécuté, alors qu'ils pouvaient l'arrêter vivant. Je lui ai dit que même si son frère avait commis tous les crimes qu'on lui impute, la police n'avait pas à le tuer. Il y a une justice pour le juger.
Pourquoi s’oppose-t-il au procès ?
Il a peur que nous soyons tous expulsés de France, surtout qu’Abdelghani est le seul parmi tous mes enfants à ne pas posséder la nationalité française. Il l'a demandée plusieurs fois, mais elle lui a, à chaque fois, été refusée parce que c'est un repris de justice. Il n’est détenteur que d’une carte de séjour renouvelable qui pourrait lui être retirée.
Comme vous, des familles des victimes ont déposé plainte contre la DCRI…
J'ai porté plainte pour connaître la vérité sur l'assassinat de mon fils et eux, de leur côté, veulent savoir pourquoi et comment leurs enfants ont été tués. J'ai entendu dire qu'eux-mêmes ne croyaient pas trop que Mohamed soit réellement l'assassin. Puisque les responsables de la DCRI disent qu’ils savaient que c’était lui le tueur des trois militaires, pourquoi, alors, ne l’ont-ils pas arrêté avant qu'il ne tue les trois élèves de l’école juive ? Ces responsables ont prétendu que mon fils Mohamed avait passé plusieurs communications à l’étranger. Pourquoi ne l’ont-ils pas appréhendé à ce moment-là ? Il y a aussi cette histoire d'Afghanistan dont je n'étais pas au courant. Sa mère, elle, savait. Comment s’est-il procuré le visa ? A son retour d'Afghanistan, la police s'est présentée chez sa mère et lui a demandé d’informer Mohamed qu’il devait se présenter au commissariat de Saint-Etienne. Chose qu'il a faite. Après un court interrogatoire, il a été relâché. Puisque la police était au courant de son voyage, pourquoi ne l'a-t-elle pas arrêté ? S'il avait été mis en prison, il n'aurait pas tué tous ces gens.
Que diriez-vous aux familles des victimes si vous les rencontriez ?
Je leur dirais que si mon fils était véritablement l’assassin de tous ces innocents, c’est qu’il y a été poussé. Si ce n'est pas lui, je m’en remets à Dieu pour lui rendre justice.
Avez-vous cru dès le départ que votre fils était innocent ?
Au début, je croyais que c'était lui l'assassin. Mais chemin faisant, et à la lumière des premiers éléments de l’enquête, je commence à croire que mon fils n’a rien à voir avec les tueries de Toulouse.
Soyez plus clair…
Comment admettre qu'un jeune homme de 23 ans ait le courage de tuer trois militaires et des enfants avec lesquels il n'a aucune relation et rentre chez lui pour dormir en toute tranquillité, comme si de rien n’était ? C’est impossible. Le premier réflexe d’un criminel c’est de s’assurer que personne ne l’a reconnu et d’aller se réfugier quelque part. C’est une évidence, à mon sens. Je crois qu’il s’agit plutôt d’un plan ourdi pour soutenir la campagne électorale de Sarkozy. Les artisans de ce plan ont utilisé Mohamed à qui ils ont endossé toutes ces tueries. La cote de Sarkozy n’avait-elle pas grimpé dans les sondages ? Un autre fait non négligeable : la dame française, qui dit avoir vu l'assassin des militaires, a bien dit que l'assassin était blanc de peau, corpulent et avait une marque sur le visage. Pourquoi les enquêteurs n'ont-ils pas pris ce témoignage en considération ?
Vous êtes certain à ce point que ce n’est pas votre fils qui a commis tous ces meurtres ?
Avec tous les faits qui sont apparus durant l’enquête, ce ne peut pas être mon fils le coupable.
Qu’advient-il d’Abdelkader et Souad ?
Abdelkader est en prison injustement. C'est un homme pieux qui n'a jamais eu de problèmes. La justice aurait pu lui accorder la liberté provisoire, au lieu de le maintenir ainsi derrière les barreaux. Je savais que mes enfants étaient sous surveillance. Ils n'avaient rien à voir avec le FIS même si leur accoutrement peut prêter à équivoque. Souad porte le jilbab (voile intégral) et c'est ce qui lui a valu d’être placée sous surveillance. D’ailleurs, elle a eu beaucoup d'autres soucis. Elle m’a raconté qu’elle avait été inquiétée par les autorités espagnoles alors qu’elle se rendait en Espagne. Je lui ai conseillé de retirer son voile aux frontières et de ne le remettre qu’une fois qu’elle aura passé la frontière, mais elle refusait catégoriquement.
Avez-vous sollicité la justice française pour accorder à votre fils Abdelkader la liberté provisoire ?
J’aimerais que la justice le fasse. Si réellement il est coupable de quoi que ce soit, l'enquête le révélera. Je ne comprends pas pourquoi il a été emprisonné injustement, d’autant que son avocat a prouvé qu'il était innocent de toutes les accusations qui ont été portées contre lui.
Des indiscrétions parlent d’un probable abandon des poursuites. Est-ce vrai ?
Non, ce n'est pas vrai. Je vais poursuivre la police française jusqu'à mon dernier souffle. Je suis prêt à tout perdre pour que la vérité éclate. Je poursuivrai les assassins de mon fils jusqu'au bout.
Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi