Le Maroc considère le redéploiement d’Air Algérie comme une guerre contre sa compagnie aérienne
Les Marocains suivent avec une très grande anxiété le renforcement de la flotte aérienne de leurs voisins de l’est qui a, en un laps de temps très court, permis l’ouverture de treize nouvelles lignes, dont dix en Afrique. Citant une source proche de Royal Air Maroc, le magazine panafricain Afrimag rapporte dans sa dernière livraison que la direction de la compagnie marocaine appréhende cette nouvelle donne : «Cette nouvelle stratégie (d’Air Algérie, ndlr) ne nous laisse pas indifférents, car elle correspond à l’arrivée d’une nouvelle offre sur des destinations que nous desservons déjà», explique la source. Il faut savoir que, jusque-là, l’Algérie assurait la liaison avec seulement une dizaine de capitales ouest-africaines, essentiellement francophones, comme le Sénégal, la Côte-d’Ivoire, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie. Alors que Royal Air Maroc tire ses plus gros bénéfices grâce à ses liaisons africaines diversifiées, en assurant l’acheminement des voyageurs asiatiques et européens, filière sur laquelle les Marocains avaient un quasi-monopole. Si bien que, pendant longtemps, la compagnie marocaine voyait le continent africain comme sa chasse gardée. Cette forte concentration sur l’Afrique correspondait en fait à un «recentrage» diplomatique et financier de Rabat vers les pays du Sahel, notamment, où les Marocains sont sous-traités par des firmes internationales, généralement françaises, notamment dans le secteur bancaire. Ce qui a fait du Maroc le premier investisseur africain en Afrique. Avec le redéploiement d’Air Algérie, grâce à l’acquisition de sept Boeing et Airbus à grande capacité destinés à desservir de nouvelles capitales africaines, les Marocains redoutent non seulement une concurrence sérieuse sur ce marché aussi vaste que dynamique, mais aussi et, surtout, un redéploiement plus profond et plus durable de la diplomatie algérienne, laquelle a déjà reconquis des pans entiers de son champ d’action régional, à travers notamment le parrainage du dialogue intermalien. Mesurant la portée de ce double redéploiement algérien dans le continent africain, les Marocains réfléchissent d’ores et déjà à une contre-stratégie qui puisse entraver l’avancée de l’Algérie, en reproduisant les mêmes méthodes déjà utilisées pour essayer de saborder le processus du dialogue au Nord-Mali.
R. Mahmoudi