La culture du gaspillage
Par R. Mahmoudi – Le nouveau ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, marque son retour au gouvernement par une annonce audacieuse qui peut, à court terme, si elle est accompagnée d’un suivi rigoureux, redonner son aura à ce secteur terni par une gabegie sans précédent. En ordonnant de «rationnaliser les dépenses» des projets culturels et d’espacer l’organisation des festivals budgétivores, source de toute la gloutonnerie qui a fini par pervertir la vie culturelle nationale, le ministre veut sans doute effacer les traces de ses prédécesseurs, Khalida Toumi et Nadia Labidi, dont le mandat a été entaché par une succession de scandales financiers et d’accusations de favoritisme et de gaspillage dont elles sont l’objet. Mais, le nouveau ministre peut-il stopper d’une traite une tradition par laquelle le pouvoir a réussi à «clientéliser» une large frange de l’élite culturelle et artistique du pays ? Le gouvernement peut-il se passer aujourd’hui du populisme culturel qu’il pratique depuis des décennies, au risque de voir les autres courants idéologiques (ré)occuper les espaces publics ? Peut-on aider à l’essor de la culture dans notre pays sans passer par les méga-festivals qui coûtent des milliards au Trésor public ? Dans tous les pays du monde, la culture se développe et s’enrichit grâce aux subventions des pouvoirs publics, certes, mais elle se suffit de petits budgets. On oublie que la culture, ce n’est pas seulement les activités de divertissement, mais c’est d’abord les ateliers d’initiation, la promotion de la lecture, l’apprentissage des langues, des savoirs… Pour ce qui concerne les grandes manifestations, les professionnels se chargent de les rentabiliser. C’est pourquoi le tout-Etat a montré ses limites dans ce domaine qui connaît de profondes mutations, où la rationalité prime sur tout le reste. Chez nous, malgré tous les budgets alloués et mal contrôlés par l’Etat pour organiser des festivals locaux, nationaux et internationaux, quasiment chaque quinzaine, on a l’impression que la culture n’arrive toujours pas à recouvrer sa place dans la société, et notamment chez les jeunes générations qui n’ont jamais été aussi éloignées de leur patrimoine culturel. Un rapide tour d’horizon des principales disciplines dans lesquelles l’Algérie avait rayonné dans un passé lointain (cinéma, théâtre, édition…), nous montre à quel point la régression est profonde et à quel point il est difficile de croire que des instructions, aussi sincères soit-elles du nouveau ministre, pourraient y remédier.
R. M.
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