La science zappe le rite
Par Kamel Moulfi – Les mois de Ramadhan se suivent et se ressemblent ? Oui, si on a observé la ruée, ce matin, vers les marchés et la course vers les boulangeries pour le pain, on constate que rien n’a changé. Dans la presse, les journalistes se préparent à écrire les mêmes articles sur les prix des produits alimentaires qui flambent et vont rapporter les sempiternels discours officiels sur le tonnage des denrées importées pour que la demande irraisonnée des gens soit satisfaite. Les excès en tout seront autorisés et la loi sera plus souple. Avec, toutefois, une petite nuance : la tension coutumière qui s’empare des jeûneurs est plus forte qu’avant. Mais le changement n’est pas là. Cette année, le Ramadhan a été précédé par une vraie rupture. Le rite traditionnel de l’observation du croissant lunaire pour commencer à jeûner a été zappé par les prévisions scientifiques qui ont permis aux Algériens de savoir plusieurs jours à l’avance, la date du début du mois de Ramadhan. La nuit du doute a eu pour fonction de confirmer cette information. Le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, a banalisé ce fait qui va devenir «normal» les prochaines années. Beaucoup de personnalités politiques mais aussi religieuses estiment que l’islam en Algérie a besoin d’une réforme. On peut penser que cela a commencé timidement avec la nouvelle forme d’annonce du début du mois de jeûne. A partir de là, il est tentant de spéculer sur l’évolution du niveau de piété des Algériens. Ils restent fortement attachés à leur religion, tout en s’inscrivant, pour beaucoup, dans la démarche de déradicalisation engagée par le ministre. Par contre, la rupture avec la tradition n’a pas été produite par la fête de la musique organisée à Alger la veille du Ramadhan, moment réservé par les familles et les jeunes à autre chose qu’aux concerts. Sinon, comment expliquer le fiasco de cet événement carrément boudé par les jeunes algérois alors que toutes les conditions ont été réunies pour les attirer sans que cela nécessite le moindre effort ? Gratuité, accès facile, carrefour fermé à la circulation… Comportement invariant chez les Algériens : cette année, la ferveur religieuse n’a pas raté son rendez-vous avec le Ramadhan.
K. M.
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