Qui veut faire taire la voix de la Russie ?
Par Luc Michel – Des huissiers de justice français ont commencé à geler des actifs russes en France, en application d'une décision de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye, et ce au moment même où se tient l'ouverture du Forum économique de Saint-Pétersbourg. Ce qui n’est pas un hasard.
Par Luc Michel – Des huissiers de justice français ont commencé à geler des actifs russes en France, en application d'une décision de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye, et ce au moment même où se tient l'ouverture du Forum économique de Saint-Pétersbourg. Ce qui n’est pas un hasard.
La mesure a commencé par la presse russe, RT, Tass, Sputnik, dont le budget est modeste comparé à sa portée aussi symbolique qu'informationnelle. «Le gouvernement français se plaint, à mots couverts, du succès des médias russes. Pourtant, il finance directement des médias français (France Télévision, France 24 et indirectement TV5) et indirectement via sa contribution au budget européen qui alimente des chaînes européennes de télévision. De ce point de vue, on ne peut accuser un pays de "faire de la propagande" en France quand on fait exactement la même chose dans ce pays», commente Sputnik News. «Il est temps que les autorités françaises acceptent la présence sur leur territoire de chaînes étrangères comme un effet du pluralisme, s'ils se disent être attachés à des valeurs démocratiques. Et puisque les médias russes ne sont pas blâmés pour avoir violé la loi, ni de faire l’apologie de la haine ou du meurtre, ils ont le droit à la liberté d'expression», souligne l’agence russe.
Ce jeudi déjà, des huissiers de justice en France avaient bloqué le compte de l'agence Rossiya Segodnya. «Notre compte en France a été bloqué. Quant à d'autres pays, après cet incident en France, l'agence a pris des mesures pour y empêcher la suspension des émissions radio et en ligne», a indiqué la rédactrice en chef de Rossiya Segodnya, Margarita Simonian.
A cela s’ajoute des opérations de désinformation des médias occidentaux. «La France a saisi le bâtiment de l'agence Rossiya Sogdnya suite à ladite action», communique le magazine Forbes, citant une source proche des actionnaires de Ioukos. Pourtant, «malgré les affirmations des médias, le bâtiment de l'agence à Paris n'a pas été saisi, car Rossiya Segodnya ne possède pas de bâtiments dans la capitale française. Les locaux nécessaires au travail de son personnel ont été loués à la direction fédérale chargée de gérer les biens publics russes à l'étranger Goszagransobstennost», a annoncé le service de presse. «J'ignore quelles sont les sources utilisées par l'ex-société Ioukos, qui ont fourni au magnifique magazine Forbes les informations selon lesquelles le bâtiment de la chaîne RT a été saisi à Paris. Je déclare en toute responsabilité que RT n'a jamais possédé de bâtiment ni même de chaîne de télévision à Paris. Un grand salut aux journalistes de Forbes», a indiqué Mme Simonian à RIA Novosti.
Les biens et les avoirs de l'agence d'information Tass ont également fait l'objet d'une saisie. «Les biens de Tass à l'étranger sont également visés par cette mesure répressive, car ils appartiennent à la Fédération de Russie. Nous avons entrepris les démarches nécessaires dans le cadre de la politique générale menée par l'Etat dans cette affaire. Nous ne voulons pas en révéler les détails», a déclaré à Ria Novosti un porte-parole de Tass.
L'ambassadeur belge à Moscou, Alex Van Meeuwen, a été convoqué jeudi au ministère des Affaires étrangères de la Russie, à la suite de la saisie des actifs russes en Belgique. La diplomatie russe a annoncé que Moscou considère la saisie des actifs comme une violation grave du droit international et exige de prendre des mesures immédiates. La Russie n'a, néanmoins, pas encore entrepris de mesures pour agir en réponse aux agissements de la France et la Belgique.
Toutefois, cela n'a pas empêché Bertrand Chokrane, journaliste du Point(Paris) de comparer le gel des comptes, dont ceux de l'agence Rossiya Segodnya, à la fermeture de l'AFP à Moscou. «Cela relève malheureusement de l'absurdité de certaines décisions prises à l'encontre de la Russie depuis quelques mois maintenant. En effet, l'agence (Sputnik, ndlr) pourra continuer à diffuser des informations depuis la Russie par le net. C'est comme si la Russie décidait de fermer l'AFP à Moscou. C'est difficile, mais on arrivera à faire passer l'idée en France et en Europe, que la Russie est une solution et non un problème», a estimé le journaliste.
L. M.