Révélation de l’historien Patrick Veil : 35 000 Algériens allaient être expulsés de France
L'historien français Patrick Weil a révélé hier dans une interview accordée à Radio France Inter, que l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing avait proposé de renvoyer des milliers d’émigrés algériens dans leur pays d’origine à la fin des années 1970. Patrick Weil, spécialiste des questions d'immigration et de citoyenneté, a raconté avoir découvert un document particulièrement surprenant au Quai d'Orsay : un ordre du président Valéry Giscard d'Estaing à l'encontre de ses négociateurs avec l'Algérie : «Veuillez négocier 35 000 adultes !» Puis, ajouté à la main en dessous : «Evitez d’évoquer des quotas d’enfants». Ce document a été confirmé, selon l’historien, par Jean-François Poncet, le ministre des Affaires étrangères de l'époque. L'objectif du Président français, selon ce qu’affirme l’historien, était de «lutter de contre le chômage» et de «remplacer, par exemple, les éboueurs étrangers par des éboueurs français et faire partir les étrangers…» Pour cela, il voulait «dénoncer les accords d'Evian qui permettaient la libre circulation entre la France et l'Algérie et changer la loi pour permettre l'arrêt des titres de séjour ou la non reconduite des titres de séjour de ceux qui étaient là depuis dix, quinze ou vingt ans». Un ancien conseiller du Président français a confié à l'historien avoir persuadé le ministre Jean-François Poncet de l'indécence de cette idée : «Comment va-t-on faire ? Un jour, au petit matin, on ira avec des cars de police et de gendarmerie arrêter les gens chez eux pour les mettre dans des trains, des cars puis des bateaux ? Et les enfants, on en fera quoi ? Ils sont Français. On va séparer les enfants des parents ? Ou on va renvoyer des parents français ?» L’historien raconte que Valéry Giscard d'Estaing a fini par mettre un terme à son projet, face au blocage de Raymond Barre, Simone Veil et de la plupart des ministres, ainsi que du Conseil d'Etat. Par ailleurs, dans son écrit La France et ses étrangers, l’aventure d’une politique de l’immigration 1938-1991 (paru en 1991), Patrick Weil raconte, selon un extrait publié sur le site http://www.gisti.org, que le 13 septembre 1978, à Paris, un entretien a réuni l’ambassadeur d’Algérie et le secrétaire d’Etat français chargé des travailleurs manuels et immigrés, Lionel Stoléru. Ce dernier a fait part de l’intention de son gouvernement de proposer un retour organisé de 100 000 Algériens par an pendant cinq ans – soit un total de 500 000. Le gouvernement français, indiquait Lionel Stoléru, souhaitait également, en échange d’un nouvel accord sur le renouvellement des titres venus à échéance, mettre un terme au régime spécial des certificats de résident attribués aux Algériens, en application de l’accord de 1968.
Meriem Sassi