L’aumônier Mohamed Loueslati : «L’islam est la première religion parmi les détenus en France»
L’aumônier musulman Mohamed Loueslati a révélé, dans un entretien au magazine français L’Express,que «parmi les 67 000 détenus (dans les prisons françaises, ndlr), l'islam est la première religion. Au point que, dans le sud de la France, un directeur d'établissement a pris l'initiative de distribuer à tous des repas halal, avant de faire machine arrière puisque c'est interdit par la loi». Pour ce religieux d’origine tunisienne, les détenus de confession musulmane «se sentent stigmatisés, montrés du doigt, exclus des lieux de distraction comme du marché du travail. Ils ne se projettent que de galère en galère, condamnés à vivre des fruits d'une économie souterraine illégale, dans une sous-société à l'écart de l'école, de Pôle emploi ou du système de santé. Selon eux, la police et la justice les maltraitent. C'est l'échec de l'intégration». Mohamed Loueslati affirme, par ailleurs, que certains détenus «convertis» qu’il rencontre et conseille lui reprochent «de porter un islam modéré, alors qu'ils voudraient le voir exclusivement radical». «Pour eux, explique-t-il, j'ai trahi ma religion.» A ce propos, justement, l’auteur de L’Islam en prisonmet en garde contre «l’islam bricolé, frelaté, belliqueux, comme une sous-culture de la violence, qui fait des ravages en prison et dans les banlieues. Ces imams qui réduisent le Coran à un message de haine exploitent l'aura de la religion auprès de jeunes influençables et fragiles». Pour Mohamed Loueslati, «avec ce qu'il se passe au Moyen-Orient, sans la présence d'un aumônier dans les prisons, tous les détenus musulmans seraient radicalisés». Il explique que les «djihadistes» qui partent en Syrie ont en eux «une agressivité féroce, une rage contre l'Occident» qui les a «méprisés». Mohamed Loueslati, aumônier musulman des prisons depuis 2001, brosse un tableau noir des prisons françaises : «Les prisons, dit-il, punissent et surveillent, mais négligent la préparation de la réinsertion. Elles ne font pas baisser la récidive : un détenu sur deux retourne derrière les barreaux au bout de cinq ans. Après avoir été enfermé entre quatre murs, le jeune délinquant est renvoyé dans la société, sans logement ni travail, socialement encore plus fragilisé qu'avant son incarcération. C'est une double peine qui le conduit à replonger dans la délinquance. D'autant plus que la prison joue le rôle d'"école du crime" en mettant les débutants au contact de trafiquants plus chevronnés.»
Karim Bouali