Terrorisme et publicité
Par Kamel Moulfi – Les médias tunisiens sont, une nouvelle fois, malheureusement confrontés à la délicate tâche de rendre compte d’un acte terroriste commis sur leur sol tout en veillant à ne pas se transformer en vecteur de diffusion du message que les criminels veulent transmettre à la population. Les médias se doivent d’éviter absolument de se comporter comme les chargés de communication des groupes terroristes. Les journalistes tunisiens savent sans doute que l’amplification médiatique de l’attentat commis sur une plage à Sousse, contre des touristes étrangers, peut contribuer à lui faire atteindre ses objectifs, c'est-à-dire semer la terreur et la psychose et en même temps susciter ou réveiller les vocations latentes pour le «djihad», le pire étant qu’au final, c’est une image «sympathique» des terroristes qui parvient à l’opinion publique. Dans les années 1990, les journalistes algériens, au prix des sacrifices que l’on connaît, ont fait œuvre de pionniers dans ce domaine, par leur façon d’écrire sur le terrorisme en concertation souvent directe avec les forces de sécurité chargées de le combattre sur le terrain. Le risque de dérapage ne concernait chez nous, alors, que la presse écrite, la télévision qui se limitait à une seule chaîne contrôlée par l’Etat ne posait pas de problème. La recherche du fort tirage, avec, derrière, la manne publicitaire convoitée, a réussi parfois à dévoyer certains médias de leur fonction et à en faire indirectement des auxiliaires de la propagande du terrorisme. En Tunisie, c’est la course spontanée vers l’audimat qui peut entraîner les télévisions privées à tomber dans le piège et à offrir indirectement un véritable espace de communication aux groupes terroristes. La caricature de ce phénomène a été donnée par la couverture par les télévisions françaises des attentats qui ont ensanglanté Paris en janvier dernier. La course à l’audimat, un des indicateurs de performance dans la concurrence entre les chaînes, est motivée, dans ce cas, non pas par le bon exercice du service public, mais par le profit tiré de l’accaparement des parts du marché publicitaire.
K. M.
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