Un été tunisien
Par R. Mahmoudi – Il y a certainement quelque chose d’assez irrationnel ou, disons, d’assez irraisonné dans les expressions de solidarité adressées par des Algériens indignés à leurs frères tunisiens dès les premières heures qui ont suivi l’attentat de Sousse, en promettant d’«envahir» bientôt leurs plages – l’esprit Oum Dorman qui ressurgit dans le subconscient –, en signe de défi aux terroristes, mais aussi de soutien à leur économie qui fonctionne grâce au tourisme. Cependant, beaucoup de Tunisiens jugent l’idée plutôt pertinente, voire salutaire pour sauver la saison estivale et sauver ainsi le pays d’une banqueroute assurée. Et c’est ainsi que des groupes d’amis sont nés, loin de tout corporatisme, et une sorte de «Maghreb des peuples» est en train de voir le jour, sans passer par les pactes officiels et autres discours pompeux qui n’ont jamais fait avancer la cause depuis la conférence de Tanger de 1958. Seulement, dans cette histoire, les Algériens ont toujours été les dindons de la farce : ils prennent l’initiative et font des gestes à très forte charge symbolique – exemple de l’offensive du 20 août 1955, dont la date a été choisie pour marquer le premier anniversaire de l’exil du roi Mohammed V, une chose dont les Marocains sont jusqu’au jour d’aujourd’hui incapables. En retour, néanmoins, les Algériens ne reçoivent pas les mêmes marques d’égard et de fraternité de la part de leurs voisins. Ils ne les ont pas vus lorsqu’ils ont affronté, seuls, les hordes sauvages des GIA, ces Daech avant la lettre, et lorsque leur pays était sous embargo. Il est vrai qu’à l’époque, les Tunisiens, dans leur majorité, étaient encore loin de pouvoir concevoir une telle situation pour avoir une quelconque réaction. Pourtant, nous n’attendions pas d’eux qu’ils fissent preuve du même esprit de témérité et de bravoure pour nous aider à nous dépêtrer du bourbier islamiste. Même si, sur ce point précisément, le danger n’est pas tout fait enrayé, avec les incursions salafistes de plus en plus osées, un délitement dangereux du corps social, la présence de groupes armés dans plusieurs zones montagneuses, qui est en net recul mais fait toujours planer la menace. C’est pourquoi il faut que ce mouvement des indignés algériens soit d’abord enraciné chez nous.
R. M.
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