Le document confidentiel qui révèle les relations secrètes entre le Makhzen et le Front national
Le Front national (FN) veut faire sortir d’une prison en région parisienne où il a été transféré en mai 2012, à partir du Maroc, le terroriste français Robert Richard, condamné à perpétuité par la justice marocaine pour sa participation aux attentats terroristes du 16 mai 2003, qui avaient fait plus de 40 morts et une centaine de blessés à Casablanca. Pour cela, le terroriste doit bénéficier de la grâce royale que l’eurodéputé membre du FN Bruno Gollnisch a sollicitée en faisant intervenir l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne (UE). C’est ce qui ressort d’un document (mis en ligne par Algeriepatriotique) révélé sur Twitter par le hacker marocain Chris Coleman. Dans une lettre, datée du 31 juillet 2014, envoyée par l’ambassadeur du Maroc à son ministre des Affaires étrangères, cette demande de grâce royale est étayée par des arguments qui montrent la collusion honteuse entre le Maroc et le FN au Parlement européen. Mais en échange de quoi, le Maroc peut-il répondre favorablement à la démarche du FN et permettre au terroriste Robert Richard d’être libéré avant de purger sa peine ? L’ambassadeur marocain rappelle les positions du FN à l’égard du Maroc – «positives et constructives» – et surtout le fait que les membres du groupe FN au Parlement européen ont voté en faveur du protocole de pêche Maroc-UE. En libérant le terroriste français, le roi exprimerait ainsi sa reconnaissance au FN pour ses positions favorables au Maroc. On sait que l’accord de pêche Maroc-UE, par exemple, n’est pas facile à obtenir et à mettre en œuvre. A l’intérieur du royaume, les voix s’élèvent contre cette forme de bradage d’une richesse qui appartient à tous les Marocains et qui n’en profitent pas ni dans son exploitation ni dans la consommation de poissons qui partent vers d’autres destinations. L’opposition à cet accord se manifeste également au plan régional et international à cause de son incidence sur les richesses halieutiques du Sahara Occidental, sous occupation marocaine. Le soutien du FN à l’accord de pêche est donc le bienvenu pour le Maroc. En pressant le roi de donner satisfaction à une demande de grâce émanant du FN, l’ambassadeur du Maroc pense certainement au rôle grandissant du parti d’extrême droite dans la vie politique française. C’est le sens à donner à ses contacts avec Marine Le Pen et à son intention de poursuivre ces contacts avec le FN tout en soulignant leur discrétion, car il ne s’agit pas de dévoiler au grand jour cette complicité qui s’installe alors que «les positions positives et constructives» du FN ne sont pas encore absolument sûres. La preuve, le 20 juin 2015, un communiqué du FN a critiqué l’installation d’une usine Peugeot à Kenitra, en rappelant que Marine Le Pen ne fera jamais passer l’intérêt de la France après celui du Maroc et qu’un retournement est toujours possible. Une première preuve en a été donnée, au début de cette année: l’eurodéputé Aymeric Chauprade, partisan acharné du Maroc au sein du FN a été désavoué par Marine Le Pen qui l’a destitué de son poste de conseiller aux affaires internationales. Chauprade était au service du Makhzen qui le faisait travailler contre les intérêts du peuple sahraoui en lutte pour son droit à l’autodétermination et à l’indépendance. L’ambassadeur du Maroc auprès de l’UE ne va pas lâcher d’un pas Marine Le Pen et ses eurodéputés, mais il sera difficile pour lui d’être discret.
Houari Achouri