Chutes des recettes pétrolières : le scénario catastrophe d’un expert
La baisse des prix du pétrole qui persiste depuis une année ne conjecture rien de bon pour l’avenir de l’Algérie. Le professeur d’économie à l’Université d’Alger Amor Khelif craint le pire si la tendance baissière des cours du pétrole se maintient pour longtemps. Intervenant lors d’une conférence-débat organisée jeudi dans la soirée par le Front des forces socialistes (FFS) sur les effets de la baisse des cours de pétrole sur l’économie algérienne, il estime que les dégâts sont énormes et le seront encore plus à moyen terme si les cours ne retrouvent pas leur niveau haussier. Ce qui dépendra des fondamentaux du marché. Amor Khelif ne voit pas d’autres solutions pour l’Algérie que de rationaliser la gestion de cette manne pétrolière en diversifiant son économie. Une tâche titanesque en raison de l’immense retard accusé. «La baisse des prix de pétrole est conjoncturelle. Mais reste à savoir combien pourrait durer cette situation avant que les prix repartent à la hausse», a-t-il relevé tout en n’excluant pas un baril du pétrole à 45 dollars dans les prochains mois, voire même à 30 dollars. Cet expert met en avant deux scénarios possibles : le premier est relatif au choc pétrolier de 1986 où les cours n’ont pu retrouver leur niveau initial (45 dollars le baril) que 16 ans plus tard, soit en 2003. Le deuxième scénario est relatif à la crise financière mondiale de 2008 lorsque les prix avaient chuté à 37 dollars le baril avant de remonter à hauteur de 120 dollars le baril en 2010. Dans les deux cas, l’économie algérienne s’en sortirait affaiblie. Il estime que le gouvernement doit impérativement commencer par revoir déjà sa politique énergétique et veiller à une meilleure utilisation des recettes financières générées par les exportations en hydrocarbures. Pour lui, l’argent doit être utilisé pour «réussir la diversification de l’économie». Amor Khelif critique le choix du gouvernement d’aller vers l’exploitation du gaz de schiste. Selon lui, au-delà de son impact néfaste sur l’environnement, le schiste n’est pas rentable et ne le sera pas de sitôt. Pour étayer ses propos, il cite le démantèlement des installations dédiées à l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste dans plusieurs Etats américains à cause du coût de production exorbitant, sachant que le prix du gaz et du pétrole sont fixés par un marché volatile. Au prix actuel du baril, il est quasi-impossible de rentabiliser l’exploitation de ce gaz non conventionnel. Si l’Algérie dispose d’un atout qui est son désendettement, elle risque de le perdre si elle n’institue pas une gestion «plus fiable de la finance publique». L’invité du FFS a souligné qu’à cause des mauvaises politiques économiques l’Algérie a perdu 1 100 milliards de dollars dans l’investissement public sans qu’elle puisse réduire de son indépendance des hydrocarbures. Ce montant faramineux a été dépensé de 1970 à 2010. Pire, la contribution du secteur des hydrocarbures au produit intérieur brut (PIB) est passée de 31% à 50%. Les recettes des exportations sont passées de 42% en 1970 à 98% en 2010.
Rafik Meddour