L’abrogation de l’article 87 bis aura une lourde répercussion sur le Trésor public
L'article 87 bis de la loi 90-11 d'avril 1990, modifié et complété en 1997, relatif aux relations de travail, a été élaboré par le Fonds monétaire international qui a imposé des conditionnalités draconiennes à l'Algérie, en cessation de paiement en 1994. Il stipule que le salaire national minimum garanti (SNMG) applicable dans les secteurs d'activité est fixé par décret, après consultation des associations syndicales de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives et en fonction de l'évolution de la productivité moyenne nationale enregistrée ; de l'indice des prix à la consommation et de la conjoncture économique générale. L'article 87 bis comprend le salaire national minimum garanti, prévu à l'article 87, le salaire de base, les indemnités et primes de toute nature à l'exclusion des indemnités versées au titre de remboursement de frais engagés par le travailleur. L'application aura une incidence sur deux éléments majeurs. Le SNMG dans sa période active et sa pension une fois validée les années de travail dans la période de la retraite, du fait que le système de calcul applique une grille de calcul qui prend en compte le salaire soumis à cotisations à l'exclusion des prestations à caractère familial (allocations familiales, primes de scolarité, salaire unique, etc.) et les primes à caractère exceptionnel (primes de départ à la retraite, indemnité de licenciement, etc.) Pour les syndicats dans leur majorité, si pour la revalorisation des salaires, le SNMG a été révisé ces trois dernières années à deux reprises, pour atteindre, à partir de janvier 2012, 18 000 DA, cela n'a pas contribué à améliorer les conditions de vie des Algériens et donc s'impose la modification ou la suppression de cet article qui vise à faire du SNMG un salaire expurgé de ses nombreuses primes et indemnités. La conséquence d'une telle mesure réside dans le fait que le salarié est appelé à percevoir ses 18 000 DA de SNMG dans leur totalité sans avoir à subir aucune soustraction, comme auparavant, encore que certains syndicats autonomes plaident pour que le SNMG soit calculé sur le salaire net et non brut, c'est-à-dire après défalcation des retenues. Et ce, pour rendre «palpables» les augmentations salariales arguant que ce sont les hauts cadres, indexés au SNMG, qui bénéficieront de cette augmentation. Mais il ne faut pas être utopique. L'abrogation de l'article 87 bis aura une lourde répercussion sur le Trésor public. Le gouvernement avait déjà évalué l'impact en 2006 à 500 milliards de dinars pour la fonction publique et 44 milliards de de dinars pour les entreprises publiques, soit au cours de l'époque, 7 à 8 milliards de dollars annuellement. Entretemps, en 2012, certaines catégories ont eu des augmentations de salaire, ce qui a permis de relever le plafond de ceux qui percevaient moins de 20 000 dinars par mois. Mais, également entretemps, nous avons eu une augmentation du nombre de fonctionnaires qui dépassent 2,1 millions en 2014, ajoutés aux emplois temporaires (entre 800 000 et 900 000, selon certaines sources), donnant trois millions de fonctionnaires permanents et non permanents ainsi que l'embauche au niveau du secteur économique, notamment le BTPH, dont la majorité perçoit moins de 20 000 dinars. Si on généralisait à tous les salariés (7,5 millions) dont les points indiciaires varient d'une catégorie, l'impact du fait des ondes de choc avec des effets cumulatifs qui forcément s'ensuivront, pourrait atteindre entre 9 et 11 milliards de dollars de traitements additionnels annuels à l’horizon 2016-2020. Cela rejoint tant les données du docteur Abdelhak Lamiri (20% de la masse salariale), que celles du secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de l'agroalimentaire (FNTA) qui, dans une interview sur les ondes de la Radio Chaîne III, évalue les incidences à environ 30 milliards de dollars sur trois ans. Pour éviter un tel montant, le gouvernement compte appliquer cette mesure dans une première phase à 3 millions de salariés, dont le SNMG est de 18 000 DA, dont 1 million relèvent du secteur privé. L'incidence varierait alors pour ces catégories basses entre 2,5 et 3 milliards de dollars annuellement. Mais ces augmentations pour les basses catégories nivelle par le bas les salaires. Ainsi, une femme de ménage qui percevra 20 000 dinars se rapprochera du technicien qui perçoit 25 000 à 30 000 dinars par mois net. Il faut donc s'attendre, à moyen terme, à des revendications salariales pour accroître l'écart nécessaire pour ne pas réduire la productivité du travail, et cela concerne tant la fonction publique que tout le secteur économique. Par ailleurs, selon l'ONS, 83% de la superficie économique globale est constituée de petits commerces, de services (tertiairisation de l'économie à très faible productivité) et 95% du tissu productif est constitué de PMI-PME. Environ 70% des PMI-PME dont le BTPH ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée. Ils incluront forcément ces augmentations dans le prix (agriculture, industries, BTPH), donc inflation, licencieront, demanderont au gouvernement des dégrèvements fiscaux, taux d'intérêts bonifiés supportés par le Trésor public, ou, en cas de désaccord, iront se réfugier dans la sphère informelle déjà florissante accaparant plus de 50% de la superficie économique.
A. M.