Le gouvernement ne maîtrise pas la dépense publique(*)
Le partenariat public-privé (PPP) pose fondamentalement en Algérie le problème de la maîtrise de la dépense publique. Tout projet doit montrer clairement la hiérarchie des objectifs, les résultats escomptés par secteurs, ainsi que la portée, les indicateurs de performance, les indicateurs des objectifs et des échéanciers précis et, enfin, l'hypothèse de risques. Le guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales, élaboré par la Caisse nationale d'équipement pour le développement (Cned), et la soumission de toute réévaluation des projets au-delà de 15% à l'aval du Conseil des ministres, contribuera-t-il à affiner l'action des pouvoirs publics en matière d'efficience des dépenses publiques ? Dans les faits, l'Etat attribue des sommes d'argent importantes pour la réalisation de projets pour le développement du pays, mais sans pour autant avoir un instrument d'évaluation des besoins de chaque secteur en projets. N'étant pas les concepteurs des différentes réformes et de leurs mises en œuvre saccadées, abrégées, relancées, les gestionnaires sont réduits à courir derrière les improvisations stratégiques, doctrinales et organisationnelles du pouvoir politique. Un contrôle doit être global : il doit concerner, en plus du contrôle routinier des services de sécurité, l'ensemble de la société supposant un Etat de droit, la réhabilitation du contrôle de la société civile, du Parlement, de la Cour des comptes, institution dépendante de la présidence de la République, car l'Inspection générale des finances, dépendant du ministre des Finances, a un impact limité car elle relève de l'Exécutif. Sans une gouvernance rénovée, une visibilité et cohérence de la politique socio-économique supposant l'intégration de la sphère informelle produit du dysfonctionnement des appareils de l'Etat, produisant la corruption, le contrôle budgétaire sera un vœu pieux avec un impact limité. A titre d'exemple, pourquoi donc le coût de l'autoroute Est-Ouest dépasse-t-il, avec les annexes, 13 millions de dollars le kilomètre, alors que la norme internationale d'une autoroute fluctue entre 5 et 7 millions de dollars et au maximum 8 à 9 millions de dollars avec les annexes et même moins pour des pays voisins au niveau du Maghreb et d'Afrique ?
L'Algérie n'a pas mis en place les bases de l'intelligence économique (des cellules de veille stratégique) pouvant être définie comme la capacité à gérer stratégiquement l'information pour prendre les bonnes décisions. Un exemple : nos bureaucrates ont toujours pensé résoudre le problème du développement industriel par des changements d'organisation. Or, l'Algérie, faute de vision stratégique, a connu des dizaines de changements d'organisation depuis l'indépendance politique : sociétés nationales entre 1965 et 1980, réorganisation de ce ces sociétés en micro-unités entre 1980 et 1987, Fonds de participation de l'Etat vers les années 1990, holdings vers les années 1995, sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP) vers les années 2000 et, depuis 2015, groupes industriels. Et l'Algérie est toujours mono-exportatrice d'hydrocarbures, parallèlement à la dévaluation du dinar de plus de 400% entre 1970 et 2015, corrélé actuellement à plus de 70% aux recettes de Sonatrach (0,60 dinar pour un franc français en 1974, alors que le cours officiel en ce mois de juillet 2015 approche les 100 dinars contre un dollar et 110 dinars contre un euro, contre 160 dinars sur le marché parallèle), qui aurait dû dynamiser les exportations hors hydrocarbures et toujours moins de 5% de l'industrie dans le PIB. Les plus grands planificateurs sont les multinationales, l'économie de marché concurrentielle, loin de tout monopole, public ou privé, ne signifiant pas absence de l'Etat, devant jouer son rôle stratégique en tant que régulateur pour minimiser les incertitudes. Cette stratégie doit s'inscrire dans le cadre d'une transition à la fois globale et énergétique d'une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, dans le cadre des nouvelles mutations géostratégiques mondiales qui devront reposer sur une nouvelle gouvernance, condition sine qua nonde l'efficacité des PPP.
A. M.
(*) Le titre est de la rédaction