Largesses accordées aux repentis : le pouvoir en partie responsable du retour du terrorisme
L’attentat d’Aïn Defla, qui a coûté la vie à neuf soldats de l’ANP, est sous-tendu par des considérations éminemment politiques. Il pose à nouveau le problème de la manière dont la loi sur la réconciliation nationale, votée par le peuple, a été mise en œuvre par le pouvoir. En effet, cette charte adoptée par la majorité des citoyens stipule que les islamistes qui ont pris les armes soient réinsérés dans la société, mais en tant que repentis. Autrement dit, des terroristes qui auront posé les armes et cessé de recourir à la violence, mais qui recouvreraient un droit à une vie normale. La recrudescence du terrorisme et sa propagation à travers plusieurs régions du pays, après avoir été confiné dans les massifs montagneux de la Kabylie, rappelle la période durant laquelle des partis politiques prenaient part à une réunion en Italie, parrainée par la Communauté de Sant’Egidio, une organisation catholique fondée à Rome, et à laquelle les responsables du FIS dissous étaient invités en tant que partenaires et interlocuteurs à part entière. Cette réunion, dénoncée par la suite par feu Mahfoud Nahnah, avait permis aux groupes terroristes de reprendre du poil de la bête, redoublant de férocité dans l’espoir de peser dans des négociations futures au cas où le pouvoir politique et l’armée étaient poussés dans leurs derniers retranchements et contraints de négocier sous la pression internationale. Le nombre d’attentats et de morts avait atteint son firmament et le conclave de Rome ne fit qu’aggraver la situation en Algérie. Vingt ans plus tard, la même erreur est commise, par le pouvoir politique en place cette fois-ci, en déviant de l’objectif assigné à une loi qu’il a lui-même promulguée et fait voter par le peuple. L’Etat, en affublant l’ancien chef terroriste repenti Madani Mezrag, fondateur de l’Armée islamique du salut (AIS), le bras armé du FIS dissous, pompeusement du titre de «personnalité nationale» et dont l’avis compterait pour l’amendement de la Constitution – un texte fondamental qu’il qualifie pourtant d’hérésie –, a fait naître chez les terroristes le même espoir qu’avait suscité la rencontre de Sant’Egidio chez les groupes armés, en 1996. Les terroristes, acculés et ayant perdu tout soutien de la population et toute couverture politique, se surprennent à penser que tout n’est pas perdu et à espérer que la conjoncture actuelle pourrait jouer à nouveau en leur faveur. Cette situation, créée par une absence totale de clairvoyance chez les décideurs politiques, risque de ramener le pays vingt ans en arrière. D’autant plus que ces groupes terroristes toujours en activité et dont les capacités de recrutement et de nuisance sont quasi intactes, malgré les coups de boutoir de l’armée et des services de sécurité, sont ranimés par la multiplication des foyers de tension tout autour de l’Algérie et galvanisés par les actions terroristes perpétrées en Tunisie, en Egypte, en France et ailleurs. La conjonction de ces deux facteurs – la complaisance du pouvoir envers les anciens terroristes et la dangereuse progression du mouvement de l'Etat Islamique dans la région – risque de conduire le pays vers une impasse sécuritaire qui nous replongera dans les abîmes de la décennie noire. Le pouvoir en est-il conscient ?
M. Aït Amara