Vos papiers !
Par M. Aït Amara – Le ministère de la Communication vient d’instituer un prix du «journaliste professionnel». Louable initiative. Pour ouvrir droit à une candidature, il faut, avant de savoir écrire, être détenteur d’une carte professionnelle de presse émise par la tutelle – autrement dit, que Hamid Grine atteste que le candidat répond aux critères fixés par lui. Une fois cette formalité remplie, le candidat au prix du président de la République devra se rendre chez le buraliste le plus proche pour faire photocopier sa carte d’identité nationale, se déplacer au tribunal pour se faire établir un certificat de nationalité et alpaguer le chef du personnel avant qu’il ne parte en congé pour demander une attestation de travail expirable en trois petits mois, car passé ce délai, il ne sera plus professionnel. Voilà pour la première partie du parcours du prétendant à la cagnotte. Ceci pour l’aspect administratif. L’annonce à partir de laquelle est rédigé cet éditorial a été lue sur le site du journal des Frères musulmans égyptiens en Algérie, Echorouk,très – trop – longtemps arrosé par l’Agence nationale d’édition et de publicité (Anep), jusqu’à ce que cette entreprise étatique décide, enfin, de couper les vivres à Mohamed Morsi après le judicieux changement opéré à sa tête. On ne sait pas si les journalistes membres de la secte des Frères musulmans égyptiens sont admis au concours, mais on sait, néanmoins, que le certificat de nationalité ne prend en considération que l’origine du père et du grand-père et ne peut certifier qu’Untel est bel et bien algérien jusqu’aux moelles. Comme en religion, en matière d’amour pour la patrie, les actes ne valent que par l’intention. Seul donc Dieu sait qui est sincère dans son appartenance à ce pays et qui ne l’est pas. S’en remettant ainsi au Tout-Puissant, le ministère de la Communication fait prévaloir le bénéfice du doute et passe son annonce sur un support dont il informait le directeur, quelques jours auparavant, de la décision de l’Etat de ne plus lui servir sa pitance quotidienne faite de cinq pages de publicité institutionnelle, confirmant ainsi ce que (me) dit un haut responsable qui avait la bride sur le cou et qui (me) répondait en jouant aux mots croisés sur un autre quotidien, lorsque (je) lui signalai la dangerosité de ce média ouvertement prostitué à une organisation fanatique étrangère : «Echorouk? Nous nous en servirons le temps qu’il faudra, puis nous le jetterons à la poubelle !» Plusieurs années après cette discussion décontractée, le couvercle semble avoir été ouvert pour y jeter le torchon. Quand ? Dieu seul le sait. Revenons à notre prix du Président. Une fois donc la paperasse réglée, il faudra broder un article qui devra seoir à un jury puisé dans les institutions publiques. Aussi, les gens du métier atteints d’une spondylarthrite ankylosante qui les empêcherait de courber l’échine sont exclus de cette distinction récompensant le journaliste qui aura réuni le plus grand nombre de papiers ; administratifs et non pas journalistiques, cela s’entend. Alors, chers confrères, à vos livrets de famille !
M. A.-A.
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