Conséquence de la pénurie de médicaments : les barons du trabendo créent une pharmacie parallèle
Sommes-nous entrés dans l'ère du «trabendo» du médicament ? La question se pose au vu de certaines pratiques constatées au niveau de plusieurs officines pharmaceutiques qui proposent désormais aux patients certains médicaments introuvables sur le marché, des médicaments importés dans ce qu'il est communément appelé «le cabas». Une méthode utilisée depuis des dizaines années pour importer des effets vestimentaires, des parfums et cosmétiques, et récemment des chocolats, fromages et autres capsules de café, en vue de les vendre en Algérie dans le circuit informel des produits importés et très prisés par les clients. Depuis quelque temps, donc, la liste inclut les médicaments en rupture dans les pharmacies à cause des pénuries dues notamment aux restrictions sur les importations opérées par le gouvernement en vue de réduire la facture et les gaspillages constatés. Les pénuries ont fait émerger le phénomène de la vente de médicaments de «contrebande» qui prend de plus en plus d'ampleur. Ainsi, lorsqu’un client demande un médicament introuvable sur le marché, certains pharmaciens proposent, selon les témoignages que l'on a pu recueillir, des boîtes acheminées via un circuit parallèle par des gens qui ont senti le bon filon pour amasser de l'argent en profitant de la pénurie de certains types de médicaments remplacés par des génériques en Algérie ou trop chers et donc importés avec parcimonie par le ministère de la Santé. Un commerce qui vient s'ajouter aux filières installées dans tous les segments et que le gouvernement veut légaliser en incitant les contrevenants à déposer leur argent dans les banques en contrepartie d'une taxe de 7%. Ce nouveau trafic va porter un autre coup à l'économie nationale, et ce, à cause de l'incapacité des responsables qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé à trouver la parade aux pénuries et à mener de manière efficace leur politique de gestion des importations sans léser les patients. Il est à noter que la facture des médicaments s'est chiffrée durant les cinq premiers mois de l'année 2015 à 591,44 millions de dollars contre 984,83 millions (-39,94%) durant la même période de l’année dernière, tandis que les quantités importées ont reculé à 8 776 tonnes contre 10 560 tonnes (-17%). Plus globalement, la facture des importations des produits pharmaceutiques a baissé à 626,06 millions de dollars, contre 1,03 milliard durant la même période de 2014, soit un recul de près de 39%, selon les chiffres des Douanes. La quantité des produits pharmaceutiques importés a connu la même tendance, passant de 11 314 tonnes durant les cinq premiers mois de 2014 à 9 691 tonnes à la même période de l'année en cours (-14,34%), selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des douanes (Cnis). Cette baisse des importations, en valeur et en quantité, constatée depuis le début de cette année, a concerné l'ensemble de la composante des produits pharmaceutiques, essentiellement les médicaments à usage humain qui ont représenté près de 91% du coût de ces importations. Pour réduire les importations des produits pharmaceutiques, le gouvernement s'est engagé à encourager la production nationale ; il œuvre à faciliter l'acte d'investir dans ce créneau industriel, notamment en cette conjoncture de rétrécissement des recettes extérieures du pays induit par la forte chute des prix du pétrole. Une politique qui s'est pourtant surtout soldée par une forte pénurie de médicaments indispensables pour certaines pathologies lourdes. Les malades les plus aisés s'arrangent pour acheter leurs médicaments à l'étranger alors que les plus démunis se retrouvent sans possibilité de les acquérir. Un besoin qui a permis à un réseau de trafic de s'installer en Algérie et de surfer sur le manque de produits vitaux pour s'enrichir et amasser des milliards.
Meriem Sassi
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