Le racisme israélien : «Il n’y a pas semblable chose aux Palestiniens, ils n’ont jamais existé» (II)
Cette position, expression d’un racisme tranquille et assumé, prononcée par Golda Meir (1) en 1969, n’est-elle pas au cœur de la logique de «disproportion», dont a toujours fait preuve Israël ? Ne constitue-t-elle pas le socle de la politique, volontairement et irréductiblement colonialiste de cet Etat ? Est-ce de l’antisémitisme juif, de l’antijudaïsme, de la judéophobie (2) que de rappeler cela ? L’incursion, même la plus abrégée, dans l’histoire colonialiste d’Israël fournit des exemples à profusion de cette «disproportion» et confirme, pleinement, sans que l’on ait à en forcer le trait, la terrifiante et ignoble sentence de Golda Meir. Cette sentence qui fait écho à la formule fondatrice et programmatique du projet sioniste «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre» matérialise le vol de la Palestine historique et le bannissement de 800 000 Palestiniens, décidés et exécutés implacablement tout au long de la première moitié du vingtième siècle par les chefs sionistes, parmi lesquels Jabotinski, Weitz, Ben Gourion. Dans ce même ordre d’idées, le même Ben Gourion, porté au firmament de la civilisation occidentale par les élites de celle-ci, déclarait en 1937 : «Les Arabes doivent partir, mais il nous faut l’occasion propice pour le faire, une guerre par exemple.» Cette guerre unilatérale aura lieu en avril 1948 en application du plan Dalet élaboré par la Haganah sur ordre de Ben Gourion : terreur à grande échelle, bombardements, destruction des villages, arrestations de milliers de Palestiniens, assassinats, empoisonnement des puits (3), épandage de pesticides et d’herbicides sur les récoltes, etc. La forfaiture est soutenue par les puissances impérialo-colonialistes. Objectif affirmé : expulser les Palestiniens par la force, et par tous les moyens, de leur patrie vers les pays arabes voisins. Déjà, et bien avant la phase de la légitimation internationale de l’entité colonialiste, les institutions et les organisations sionistes – civiles, religieuses et militaires – se déchaînent : meurtres ciblés, attentats, éradication de villages (4). Les conséquences attendues ont pour réalités la mort, l’exil, l’exode, l’assujettissement, l’oppression. C’est sur les bases de cette absolue et enthousiaste politique de terreur que se constitue l’Etat sioniste, en lieu et place de la patrie des Palestiniens. Une fois le bannissement de centaines de milliers de Palestiniens vers les pays voisins, l’Etat sioniste se met à «gérer» la population palestinienne, présente sur quelques bouts de terre, comme un excédent, un rebus démographique, une population excédentaire, considérée comme «corps d’exception» (5). Des «corps d’exception» parqués, emmurés, dans des camps (6), des zones de déportation, que l’on peut mettre à mort manu militari. Toutes choses caractéristiques du système d’apartheid. A cet égard, il n’y a pas de hasard, cela explique les relations privilégiées, de grande amitié et de connivence, qu’Israël a toujours entretenues avec l’Afrique du Sud (7) dont le système politique nazi-fasciste, l’apartheid, se fondait sur les principes d’un peuple-un et pur (8) et d’une supposée «race supérieure». Notons que l’arsenal idéologique libéral a réussi l’exploit de découpler le racisme du fascisme, alors qu’il en est, historiquement et organiquement, une des idéologies fondatrices et nourricières. A ce jour, la vie quotidienne des Palestiniens est rythmée par une politique d’apartheid : routes séparées, contrôles méprisants et humiliants quotidiens, plaques d’immatriculation spécifiques, expropriations de terres et de maisons, destruction et incendies de domicile, arrachage et destruction des champs d’oliviers, coupures d’eau, d’électricité, interdiction de circuler. A quoi s’ajoute, ultime sauvagerie, le déversement des excréments des colons. C’est ce que rapporte le courageux écrivain et journaliste britannique Johann Hari : «Une odeur remplit mes narines. C’est l’odeur de merde. A travers la Cisjordanie occupée – la rive ouest –, des eaux usées à l’état brut, sont pompées chaque jour des colonies juives et déversées tout droit sur les terres palestiniennes. Ces excréments pénètrent dans la nappe phréatique et les puits et deviennent du poison.» (9)
A ce processus de spoliation et de prédation, prête main-forte, systématiquement et naturellement, une vision du monde raciste, qui agit comme le lubrifiant idéologique (10) nécessaire à la cohésion de la société israélienne. Dans le cas d’Israël, cette vision, partagée par sa population dans sa très grande majorité, est portée et défendue avec ardeur par les élites politico-militaires et religieuses. Les quelques propos qui suivent, puisés dans le répertoire raciste israélien, sont éloquents :
– Ehud Barak, ex-Premier ministre israélien : «Les Palestiniens sont le produit d'une culture dans laquelle le mensonge est acceptable. La vérité est, pour eux, hors de propos» (Interview accordée à Benny Morris, The New York Review of books, 13 juin 2002) ;
– Moshe Katsav, ex-président israélien : «Il y a une énorme différence entre nous (les juifs) et nos ennemis. Pas seulement dans la capacité, mais dans la morale, la culture, le caractère sacré de la vie et la conscience. Ils sont nos voisins ici, mais c’est comme si à quelques centaines de mètres, il y avait un peuple qui n’appartenait pas à notre continent, à notre monde, qui appartenait véritablement à une autre galaxie» (Jerusalem Post, le 10 mai 2001) ;
– Moshe Yaalon, ex-chef d'état-major de l'armée israélienne : «Les Palestiniens sont une sorte de cancer. Il y a plusieurs manières de traiter le cancer. Certains pensent qu’il faut amputer des membres, mais moi, pour le moment, je me contente de leur faire une chimiothérapie» (en 2002) ;
– Heilbrun, président du comité pour la réélection du général Shlomo Lehat, maire de Tel-Aviv : «Nous devons tuer tous les Palestiniens à moins qu’ils ne soient résignés à vivre en tant qu’esclaves» (octobre 1987) ;
– YItzchak Ginsburg, rabbin : «Eretz Israël est une véritable terre de vocation, la terre des fils d'Israël, celle où ne méritent d'habiter que ceux qui ont choisi d'être le peuple de Dieu et d'appliquer ses préceptes. Aujourd'hui, on a honte de dire que le peuple d'Israël est "une lumière pour les goys". On a peur de dire qu'un professeur arabe est moins intelligent qu'un professeur juif. C'est perçu comme du racisme, et on veut ainsi escamoter ce qui était clair pour les goys : ce sont les juifs qui ont donné la morale et l'intelligence à tous les peuples.»
Smaïl Hadj-Ali
(Suivra)
1- Golda Meir a reçu le Nobel de la paix ! Cela montre le sérieux des paix célébrées par ce prix.
2- Ces deux termes tout aussi condamnables que celui d’antisémitisme, nous semblent toutefois plus appropriés pour qualifier les comportements et les actes condamnables de jeunes Français, livrés et endoctrinés par l’idéologie salafiste. Produits de l’histoire et de la société française, ils le sont, autant que l’antisémitisme, qui est une des singularités idéologiques de la civilisation européenne- théorisée et fondée par des intellectuels et des politiciens européens- qui justifia et légitima «la solution finale», c’est-à-dire l’extermination de plusieurs millions de personnes de confession juive par les hitlériens, avec la complicité active des Etats « collabos » français, italien, belge, hollandais…
3- Les troupes du général Bugeaud procédaient de la même manière
4- Cinq cent trente villages palestiniens seront rayés de la carte de Palestine par les sionistes.
5- Concept élaboré par le philosophe Sidi Mohamed Barkat. Dans le contexte de la colonisation de peuplement de l’Algérie, ce concept spécifie, « une sorte de corps sans âme, un corps pulsionnel », que l’autorité coloniale peut mettre à mort à n’importe quel moment, quand bon lui semble. Le corps d’exception est le produit de l’Etat d’exception issu du Code de l’indigénat.
6- Voir le livre de Jimmy Carter, que l’on ne peut soupçonner d’ « activisme pro palestinien » : Palestine : la paix, pas l’apartheid, édition, L’Archipel, 2007.
7- Le bourreau de Ghaza, Netanyahu, persona non grata aux obsèques de Mandela.
Pour ce qui est de la sympathie et de l’empathie de l’Etat sioniste pour les idéologies liberticides et fascistes, rappelons au passage ses relations fortes, intenses de coopération avec les dictatures militaires d’Amérique Centrale, Salvador, Nicaragua, et du Sud, Paraguay, Chili, Argentine, Uruguay, Brésil, entre autres, durant le plan Condor, que parrainaient les USA. Notons que d’anciens criminels nazis trouvèrent asile et hospitalité auprès des golpistes tortionnaires dans ces pays.
8- Les intégristes islamistes défendent également le modèle du peuple-un et pur religieusement. D’où leur ressemblance avec les intégristes juifs. Cf., Similitudes et proximité des intégrismes juifs et musulmans.
Etude, inédite, de Smaïl Hadj Ali. Présentée et débattue au Laboratoire Communication et Politique. CNRS. Paris. 1995.
9- http://www.independent.co.uk/voices/commentators/johann-hari/johann-hari-israel-is-suppressing-a-secret-it-must-face-816661.html
10- Démarche identique à celle du système colonial français en Algérie. Cf, « Les Arabes ne comprennent que la force brutale » (1) | L … Smaïl Hadj Ali, www.humanite.fr/…/.14 déc. 2012,