Des intellectuels demandent à l’Etat de retirer les films algériens d’un festival dédié à Israël
Un groupe d’intellectuels algériens a lancé une pétition adressée au ministre de la Culture, réclamant le retrait des films algériens du Festival international du film de Locarno, en Suisse, spécifiquement dédié à Israël. «Il s’agit bien d’une opération dédiée à un Etat et à sa politique coloniale sous prétexte culturel», lit-on dans le texte de la pétition dont les auteurs estiment que «la participation d'œuvres du cinéma algérien au Festival de Locarno constitue un rapprochement inattendu et regrettable avec Israël, dans la mesure où ce festival a décidé de placer Israël au cœur de ce festival en lui donnant carte blanche, cela en coopération financière étroite avec le Fonds israélien du film». «Ce financement du gouvernement israélien fait partie d'une stratégie visant à effacer l'impact négatif des tueries israéliennes contre les Palestiniens sur l'opinion publique internationale et éviter les sanctions et le boycott», notent les auteurs de la pétition qui rappellent une action similaire lancée en avril dernier, par plus de 200 cinéastes, artistes et acteurs culturels, qui ont appelé à ne pas «donner carte blanche à l’apartheid israélien». Les auteurs de la pétition regrettent que nos réalisateurs, «contrairement à nos frères tunisiens», aient ignoré cette campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël. Pour eux, même si l'invitation de ces cinéastes s'est faite sans consulter le ministère, «l'Etat algérien ne peut se dérober au constat que l'Algérie est présente à ce festival en tant que pays producteur». Aussi, «il a le devoir d'user de son autorité compte tenu du fait qu'il a participé au financement de ces films et même si ce n'est pas le cas, le tournage s'est fait en Algérie avec l'aide des autorités nationales, et ces films seront présentés comme représentatifs du cinéma algérien», souligne-t-on dans cette pétition. «L’Etat algérien a l’obligation politique de se démarquer de cette normalisation avec Israël», relèvent les auteurs de la pétition adressée à Azzedine Mihoubi à qui il est demandé de ne pas couvrir «des complicités internes évidentes». Pour eux, la défense de la cause palestinienne «implique que nous soyons solidaires et engagés dans le boycott d'Israël sur tous les plans». Mais, font-ils remarquer, «nous observons de plus en plus une tendance visant à rompre avec cette solidarité et à normaliser les relations avec Israël, alors que la situation des Palestiniens ne fait qu'empirer et le déni de leurs droits les plus élémentaires devient de plus en plus scandaleux». Rappelant le cas tragique du bébé brûlé vif par des extrémistes israéliens et dont le père vient de succomber à ses blessures, tandis que sa mère est entre la vie et la mort, les auteurs de la pétition estiment que ces meurtres démontrent «la violence extrême pratiquée contre les Palestiniens pour les obliger à accepter l'ordre injuste et inhumain qui leur est imposé» et que Tel-Aviv tente de masquer ses atteintes aux droits humains dans les territoires occupés «en faisant la promotion d'une image positive» de la société israélienne. «La carte blanche donnée au cinéma israélien dans ce festival est, en fait, une carte blanche donnée par ce festival pour que les crimes contre les Palestiniens se poursuivent en toute impunité», soutiennent les auteurs de la pétition, qui refusent, en tant qu'intellectuels algériens, «que le cinéma vienne effacer les traces des crimes au niveau des consciences» et «que la solidarité algérienne avec la cause palestinienne soit remise en cause». Ils disent attendre du ministre de la Culture «un geste fort pour clarifier la position de l’Etat algérien à l’endroit de cette normalisation ouverte et conquérante avec l’Etat d’Israël et – s'il n'est pas trop tard – une demande de retrait des films algériens».
Karim Bouali