Tahar Mahouz revient sur l’assassinat des moines de Tibhirine

Par Cheikh Hamdane – Tahar Mahouz, cet écrivain progressiste hors clans, écrit pour l’Algérie d’abord et pour l’Histoire. Convaincu des massacres perpétrés par les GIA durant la décennie noire contre le peuple algérien, il reprend sa plume pour mémoriser des faits. Il écrit Le troisième lion d’Oran en hommage au grand dramaturge algérien Abdelkader Alloula, assassiné par les GIA en mars 1994. Il ressort des faits nouveaux sur l’homme qui a été durant tout son parcours artistique un combattant de l’Algérie républicaine. Son livre est publié en France, étant donné qu’il faut éclairer l’opinion européenne endoctrinée par les médias et les services, tous influencés par le lobby sioniste. Tahar revient très vite en ce mois d’août sur l’assassinat des sept moines trappistes à Tibhirine, toujours avec des faits nouveaux accablant les GIA. «Le 26 avril arrive un texte signé par Djamel Zitouni, «émir» du GIA (Groupe islamique armé) qui revendique le rapt des moines trappistes, qui sont en vie, ce qui compte le plus dans cette affaire puisqu’il s’agit d’un enlèvement majeur, car nous sommes en plein affrontement entre islamistes algériens et le pouvoir militaire qui devient une guerre d’usure, une guerre non conventionnelle où tous les coups sont permis et la vie ne veut rien et n’a aucun prix. Un communiqué n°43 attribué au G I A assure que les moines sont toujours vivants. L’«émir» Zitouni propose un échange de prisonniers entre les otages qu’il détient et Abdalhak Layada, premier «émir» national du G I A détenu dans les geôles algériennes et termine son texte par cette phrase "si vous libérez, nous libérerons …"» Le 30 avril, un envoyé des ravisseurs nommé Abdullah se présente au consulat de France à Alger et livre un message toujours de Djamel Zitouni avec une cassette audio sur laquelle on entend les voix reconnaissables des sept moines trappistes. Dans cet enregistrement datant du 20 avril, le père Christian de Chergé, prieur de la communauté, dit notamment que dans la nuit du jeudi au vendredi, «les moudjahidine nous ont lu le bulletin de la Djamaa islamia moussalaha». En France, l’enquête est menée par la DGSE et par la DST ; concernant l’enlèvement des moines trappistes, il semble que la rivalité entre les deux services ait été préjudiciable à la négociation. Parallèlement, Jean-Charles-Marchiani, ex-préfet du Var, tente lui aussi de faire libérer les otages, mais ses négociations séparées auraient été désavouées par Alain Juppé alors Premier ministre sous Chirac. Entre temps, l’armée algérienne qui se trouve dans les montagnes et les forêts, la Gendarmerie nationale dans les villages et les campagnes, la police et le DRS dans les villes mettent les bouchées doubles en utilisant tous les moyens humains et matériels pour retrouver les captifs, car il y va de la crédibilité l’Algérie qui est à la croisée de son chemin, d’autant plus que le président Zeroual qui joue sa responsabilité morale dans cette affaire a ordonné que tout soit mis en œuvre pour sauver les moines face à un adversaire habile, rusé et sanguinaire. L’adversaire, c’est le terrorisme islamique, radical, intégriste, qui ne croit pas en ce monde, ni en ses valeurs morales ni aux principes vertueux. Il désavoue les notions de la valeur humaine, dénie l’Etat de droit, rejette l’Etat-nation et désavoue tout cadre légal ou réglementaire. Semer la mort et l’apocalypse est son credo. Les terroristes se considèrent comme porteurs d’une mission divine et n’obéissent à aucune règle, ni aucune loi, sauf la leur, ils refusent toute évolution positive et excluent toute idée de modernisme, mais utilisent Internet et les nouveautés de la technologie pour leur propagande afin de répandre leur doctrine fallacieuse. Recherchant sans aucun doute le conflit des civilisations, les intégristes rêvent d’une révolution islamique planétaire, mais à voir le monde tel qu’il est, ce projet est illusoire, l’appel à la guerre sainte ou «djihad» devient obsolète, absurde et vide de sens. D’ailleurs, le djihad n’entraîne pas des masses d’hommes parmi ce milliard de musulmans soumis à un islam de fraternité et de miséricorde. Bien au contraire, les islamistes ont perdu le cœur des populations musulmanes, aussi, les premières victimes de l’horreur dans les pays arabes sont des musulmans, ils ont payé et payent toujours un lourd tribut face au terrorisme islamiste, comme en témoignent les massacres successifs de civils en Algérie et ailleurs, notamment dans les pays arabo-musulmans. Depuis 1991, l’Etat français craint l’extension du «problème algérien en France», mais aussi que les Français d’Algérie soient la cible potentielle des groupes terroristes comme en témoigne la liste macabre ci-dessous des étrangers assassinés par les terroristes islamiques». Djamel Zitouni, chef suprême du GIA, avait revendiqué lui-même la décapitation des moines dans son communiqué n°44. A partir de cela, l’armée algérienne a été accusée à tort, sans preuve tangible, d’avoir tué par erreur les sept moines en mitraillant le camp des ravisseurs, elle aurait par la suite camouflé cette «bavure» en tranchant les têtes des moines pour faire croire à une opération terroriste. Cette hypothèse ne tient pas la route, selon plusieurs témoignages crédibles, ce sont les membres du GIA qui ont égorgé les moines d’abord, pour ensuite les décapiter sur ordre de leur chef, le sanguinaire Djamel Zitouni. Et comme le ratissage ne s’arrêtait pas, et que les hélicoptères volaient sans cesse dans cette partie de la zone incriminée, un «conseiller» de Zitouni lui recommanda de les jeter sur la route pour que tout s’arrête et que l’armée cesse son ratissage, les points contrôle seront alors levés. Quand Zitouni prit la décision de se débarrasser des cadavres, et comme il n’est pas facile de prendre les corps entiers, car étant trop lourds, ils ont coupé les têtes ; c’était léger à transporter selon leurs dires. Quatre personnes qui ont assisté à l’assassinat confirment que les moines ont été tués sur l’ordre de Djamel Zitouni. Le témoignage de Hassan Hattab est particulièrement intéressant ; cet ancien chef de région du GIA et rival de Djamel Zitouni était au courant de cette affaire morbide. Hassan Hattab dit Abou Hamza est né le 14 février 1967 à Rouiba, Alger ; il a effectué son service national à l’école des troupes aéroportées de Biskra. Hassan Hattab crée et devient le chef incontesté du GSPC, un groupe terroriste né des cendres du GIA, liquidé par l’armée algérienne et les services de sécurité. A la mort de Zitouni, il remplace celui-ci comme «émir» national de tous les groupes terroristes sévissant en Algérie ; ce sanguinaire a comme spécialité les attentats ciblés contre des sommités, des artistes et des journalistes. Le GSPC compte environ quatre cents terroristes qui évoluent entre les trois wilayas du centre de l’Algérie, Boumerdès, Alger et Blida. Hattab raconte : «Djamel Zitouni m’appelle et me dit : "Je dois t’informer de quelque chose : on a tué les moines." Je n’en croyais pas mes oreilles, nous nous sommes disputés, l’ambiance est devenue électrique, je lui dis : tu n’es pas digne de confiance, pourquoi ne les as-tu pas relâchés ? Il me répond : "Qu’auraient pensé mes combattants ?" je rétorque : ah bon, tu as peur de tes hommes plus que tu n’as peur de Dieu ?» Le témoignage du principal geôlier et bourreau des moines, un certain H dit Abou Imam qui a passé des heures entières derrière leur porte, affirme avoir assisté à la décapitation, il a été blanchi dans le cadre de la loi sur la rahma (la clémence) initiée par le président Zeroual, il vit toujours en liberté à Bougara son village natal, mais de lourds soupçons pèsent sur lui d’être le principal égorgeur des moines. Il répète : «On n’a pas tiré une seule balle, de toute façon, on manquait de munitions, les moines ont été égorgés au couteau. Les terroristes au nombre de trois avec l’égorgeur prenaient un moine, le sortaient, l’éloignaient et l’égorgeaient. Les autres moines lorsqu’ils ont vu que leurs camarades qui sortaient ne revenaient plus se sont évanouis. L’un des égorgeurs m’a dit : «Tiens, égorge un.» J’étais pétrifié, il m’a poussé et il a égorgé le moine.» C’était un jeu facile pour les terroristes, car les religieux étaient âgés, sous-alimentés, malades, chétifs et sans armes, par contre, les criminels étaient bien nourris, motivés et armés face à des hommes plus faibles qu’eux. Le communiqué n°44, objet de toutes les suspicions et les inquiétudes annonçant l’exécution des moines parlait de mort par égorgement, celle-ci était fréquemment pratiquée par les GIA en Algérie et continue d’être aujourd’hui adoptée par tous les groupes terroristes islamistes du monde entier comme le fait actuellement Daech, le dernier-né des groupes terroristes islamistes. En réalité, les moines ont été égorgés par les terroristes en une seule journée, puis ils ont été décapités deux jours après comme le confirme un terroriste dénommé Abou Mohamed, «émir» de Tablat, qui corrobore la version officielle. «Quand je suis arrivé (quelque temps après les décapitations), une odeur insupportable se dégageait des têtes qui ont été mises dans un grand sac, j’ai mis le sac dans la voiture, et j’étais obligé de sortir la tête de la voiture pour respirer, je suis allé chez Abou Srahil, j’ai demandé l’«émir» parce que lui savait où déposer les têtes à Médéa, ils étaient encore reconnaissables, leurs visages n’étaient pas encore décomposés.» Une fois leur sinistre besogne terminée, les terroristes devaient se débarrasser la nuit venue des cadavres sans tête des suppliciés et pour éviter de se faire repérer par les militaires, ils jetèrent les corps dans un des nombreux abîmes sans fond. Les assassins n’avaient ni le temps de les enterrer ni les moyens de leur donner une quelconque sépulture, ils devraient quitter la montagne illico presto. Connaissant parfaitement le terrain, les terroristes ne trouvèrent pas de difficultés pour échapper aux mailles de l’encerclement. Le GIA, en enlevant les moines, espérait faire pression à toutes fins utiles sur la France pour obtenir la libération de Abdalhak Layada. Mais, le G I A ne se faisait pas trop d’illusions, car les négociations entre Jean-Charles Marchiani, proche de Charles Pasqua, et Djamel Zitouni ont échoué. Selon Pasqua, Jacques Chirac était d’accord sur cette mission secrète, mais il lui avait demandé de ne rien dire au Premier ministre Alain Juppé, précisant «sinon, il va y avoir un drame». Le 9 mai 1996, dans un article consacré à l’enlèvement des moines, le Parisien glisse incidemment que Jean-Charles Marchiani a été «vu à Alger il y a cinq jours». Consterné, Alain Juppé, apprenant qu’il s’est fait doubler par Pasqua et Marchiani, ordonne la fin de cette diplomatie parallèle ; le ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, informe Jean-Charles Marchiani, qui lui répond : «Faites-le, mais je vous préviens, ils sont morts.» Marchiani informe le 10 mai l’émissaire de Djamel Zitouni et les autorités algériennes qu’il a été mis hors-jeu, les Algériens essayent alors de récupérer les moines en envoyant des hélicoptères là où le G I A est soupçonné de les cacher c'est-à-dire dans la région de Bougara.
C. M.

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