Panthéa Kian à Algeriepatriotique : «L’Occident qui craint Daech c’est le pyromane qui crie au feu !» (II)

Algeriepatriotique : Vous vous dressez contre la politique colonialiste et expansionniste d’Israël. Comment exprimez-vous cette opposition au régime raciste de Tel-Aviv ?

Algeriepatriotique : Vous vous dressez contre la politique colonialiste et expansionniste d’Israël. Comment exprimez-vous cette opposition au régime raciste de Tel-Aviv ?
Panthéa Kian :
Nous soutenons les luttes des Palestiniens pour la libération de leurs territoires occupés et pour recouvrer leurs droits humains d’hommes et de femmes libres de la domination coloniale. Nous défendons la création d’un Etat palestinien souverain et indépendant, mais force est de constater que la continuité territoriale nécessaire à la création de cet Etat est morcelée par l’expansion sans cesse des colonies juives. Dans la troisième et dernière partie de mon article qui sera publié prochainement, je défends l’idée que considérant les réalités du terrain, seul un Etat laïque, démocratique et social, issu des deux peuples pourra restituer durablement les droits des Palestiniens sur l’ensemble de la Palestine et garantir l’égalité des droits de tous les citoyens indépendamment de leurs origines et leurs religions.
Notre modeste contribution au mouvement de libération de la Palestine passe par la dénonciation des politiques pro-israéliennes du gouvernement de Hollande et de l’Union européenne, mais aussi par un travail d’écriture et d’analyse, par le soutien aux sanctions contre l’Israël, participation à la campagne de BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanction), par l’investissement de nos membres dans les comités locaux d’AFPS (Association France Palestine Solidarité) et d’autres organisations qui luttent pour la fin de la colonisation et pour une paix juste et durable entre les deux peuples. Notre site internet qui est l’outil principal de nos communications est visité par 4 000 à 10 000 de nos citoyens quotidiennement et notre liste de diffusion hebdomadaire de nos analyses dénombre près de 90 000 abonnés.
Un enfant palestinien a été brûlé vif à Gaza. Comment avez-vous réagi à cet acte barbare ?
Ce type d’actes criminels commis par des colons extrémistes ne sont malheureusement pas des actes isolés ni récents. Dynamiter les maisons et brûler les champs des Palestiniens était méthodiquement pratiqué par les groupes sionistes armés chargés d’expulser les autochtones et s’emparer de leurs terres depuis 1948, en préparation à la création de l’Etat d’Israël l’année suivante. Si ce dernier double crime du meurtre et de l’incendie d’une maison a enfin trouvé l’écho qu’il mérite dans les médias internationaux, c’est par le caractère sensationnel de cette tragédie où un bébé a été brûlé par les colons criminels. C’est cette couverture médiatique qui a obligé la condamnation de ces auteurs par Netanyahou, le grand boucher des enfants de Gaza il y a tout juste un an. Nous savons que ces terroristes agissent depuis bien trop longtemps dans l’impunité totale et avec la complicité des autorités militaires, politiques et juridiques, contre les vies et les biens des Palestiniens des territoires occupés.
L’Occident craint un monstre appelé Etat Islamique ou Daech. Comment percevez-vous ce «phénomène» au sein de votre parti ?
L’Occident qui craint Daech c’est le pyromane qui crie au feu ! Tout le monde sait que ce monstre est sorti du ventre d’Al-Qaïda, lui-même enfanté par les taliban qui sont une création de la CIA (l’opération Cyclone) et ses alliés saoudiens et pakistanais, dans le but de combattre l’Union soviétique en Afghanistan. Le général Wesley Clark, ancien général des Forces armées des Etats-Unis, a reconnu ce fait lors d’une interview avec la chaîne CNN dans ces termes : «L’Etat islamique a été créée grâce au financement de nos amis et de nos alliés… dans le but de combattre le Hezbollah.» C’est pour cela que Daech ne combat pas l’Occident, sauf quand c’est les forces alliées qui les attaquent, ni son protégé Israël. Même Madame Clinton l’a avoué dans ses mémoires Hard Choices. Ces groupes ultra-fanatiques et violents sont financés et armés par les puissances sunnites de la région qui les utilisent pour servir leurs objectifs politiques de contrer l’influence du shiisme, le triangle : Iran, Syrie, Hezbollah libanais. Les conquêtes de l’Etat islamique en Syrie et en Irak arrangent grandement les intérêts israéliens et les dirigeants de ce pays ne cachent pas que pour eux la menace à la sécurité d’Israël ne provient pas de Daech, mais d’Iran suivi de la Syrie et du Hezbollah.
Comment interprétez-vous l’évolution de la situation dans le monde arabe ? De votre point de vue, le «printemps arabe» est-il le seul fait des peuples arabes en mal de liberté ou est-ce une action programmée ailleurs ? On parle beaucoup du projet du Grand Moyen-Orient…
Ce qui a résulté du «printemps arabe» ressemble fortement à un coup de gel en plein avril. Pour répondre à cette question, il nous faut revisiter les révolutions qui ont balayé les régimes politiques des pays arabes les plus stratégiquement importants d’Afrique et du Proche-Orient. Commençons par la révolution libyenne qui portait initialement des revendications sociales et politiques d’un mouvement de contestation populaire, mais s’est transformée en une guerre civile où la population a payé le plus lourd tribut. Parmi les causes, d’une part la répression sanglante du régime de Kadhafi qui n’a pas hésité à bombarder sa propre population, mais aussi l’ingérence militaire occidentale qui a fait sombrer le pays dans le chaos le plus total. La responsabilité de ce désastre est à mettre sur le compte de la coalition colonialiste de Sarkozy, de Cameron et de Berlusconi (l’Italie étant l’ancienne puissance coloniale en Libye), assistés par les Etats-Unis et le Qatar. L’objectif de cette intervention armée présentée comme une opération à visées humanitaires n’était autre que le renversement de Kadhafi, un mégalomane insoumis aux puissants et régnant en maître sur l’un des pays les plus riches d’Afrique. Au carrefour du Sahara, de l’Orient et du Maghreb, la Libye possédait le tiers de toutes les réserves de change d’Afrique, ses potentielles ressources en hydrocarbure sont égales à celles de l’Algérie avec un dixième seulement de sa population. Pays aux richesses immenses et important par sa situation géostratégique. En effet, la Libye bordée par la mer Méditerranée au nord, partage des frontières avec l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, le Niger et le Tchad. Ces caractéristiques géographiques et politiques faisaient de la Libye de Kadhafi une puissance dérangeante et un obstacle aux intérêts impérialistes dans la région. Il fallait donc profiter de l’affaiblissement du régime confronté à la révolution, sans doute elle-même manipulée par les services secrets des Etats intéressés, pour détruire le jeune Etat-nation libyen, éclater l’entité nationale en groupes tribaux et démembrer son territoire en autant de zones tribales. Ces objectifs sont largement atteints grâce à la guerre civile provoquée et alimentée par les puissances intervenantes. En lieu et place d’un régime autoritaire, mais structuré et efficace, deux gouvernements se partagent le pays, l’un à l’est l’autre à l’ouest. Le pays est en proie au chaos et à l’affrontement armé entre factions rivales dont des groupes liés à l’Etat islamique et risque de nouveau une intervention armée de la coalition France-Italie-Angleterre. Des réseaux mondialisés de la contrebande affluent par ses multiples frontières poreuses dont le contrôle est disputé entre miliciens issus des tribus rivales. La grande quantité d’armes qui a été introduite dans le pays par la coalition impérialiste de l’Otan a surarmé ces miliciens et divers groupes djihadistes comme Daech qui utilisent ces territoires comme base arrière des actions militaires dans les pays voisins et pour la conquête de nouveaux territoires d’expansion. La branche libyenne de l’Etat islamique qui est le premier à posséder des territoires entiers sous son contrôle était née de ce chaos laissé par l’Occident impérialiste. Le printemps égyptien n’a pas donné le même désastre grâce à une armée autrement plus puissante, mais il a engendré un régime islamique autoritaire suivi d’un coup d’Etat et une junte militaire totalitaire et répressive. Je terminerai ces tristes constats par la révolution tunisienne, d’où le «printemps arabe» avait commencé. Dans un article que j’avais écrit en janvier 2011 (http://m-pep.org/Un-parfum-de-jasmin-plein-les), je soulignais le rôle des Etats-Unis dans la conclusion de la Révolution des jasmins. On sait grâce à WikiLeaks que le départ précipité de Ben Ali, poussé littéralement dans un avion sans destination précise, était décidé par l’Administration américaine et exécuté par l’ancien ministre de l’Intérieur tunisien. Avec le renvoi de Ben Ali, les Américains obtenaient à la fois affaiblissement de leur rival français qui bénéficiait jusque-là d’une position privilégiée en Tunisie et dans toute l’Afrique du Nord et l’ouverture aux capitaux américains du marché tunisien accaparé par le clan Ben Ali. Sans oublier l’importance géopolitique de la Tunisie avec 1 300 km de côtes sur la Méditerranée, le Sahara Occidental tout proche et ses ressources minières convoités, enfin les quelque 500 km de frontières communes avec la Libye, voisin stratégique du point de vue géopolitique.
La France combat le terrorisme tout en continuant d’armer les rebelles en Syrie. Comment expliquez-vous l’acharnement des capitales occidentales contre le régime d’Al-Assad ? Que cache cette volonté de le chasser du pouvoir quitte à semer le désordre dans toute la région ?
La France combat le terrorisme là où il met en danger la sécurité de ses citoyens ou menace ses intérêts économiques. Elle estime sans doute que les groupes terroristes qui combattent le régime syrien ne font pas partie de ces critères tant qu’ils n’agissent pas sur le territoire national. Selon la version officielle, la France fournit des armes à l’opposition modérée syrienne, pas aux rebelles djihadistes. Mais cette responsabilité lui incombe quand même à travers ses alliés politiques et partenaires économiques, le Qatar et l’Arabie Saoudite. Malheureusement, l’héritage gaulliste de la diplomatie française s’est transformé depuis 2007 en une diplomatie mercantile, calquée sur des intérêts financiers à court terme. Elle est devenue une diplomatie sans principe ni morale politique. La France qui, en échange de l’achat de ses avions Rafale par le Qatar et l’Arabie Saoudite, compte parmi ses amis ces monarchies qui n’hésitent pas, pour contrer l’axe Iran, Syrie, Iraq, de créer et d’alimenter les terroristes djihadistes, déclencher des conflits confessionnels des plus sanglants dans la région et semer la mort parmi les populations civiles. Ce théâtre sanglant des guerres de confessions cache dans ses coulisses des intérêts et des desseins politiques de domination régionale. Elles sont sans précédent historique du moins dans l’histoire contemporaine de la région. Les sunnites et les chiites ont vécu en paix durant de longs siècles, notamment sous la domination ottomane. Pourquoi se transformeraient-ils en ennemis mortels maintenant ? Qu’est-ce que les groupes djihadistes et l’Etat islamique sinon un pur produit des monarchies sunnites du Golfe et de leurs alliés occidentaux? A qui profitent leurs crimes contre les populations ? Quels intérêts servent-ils en détruisant les Etats souverains, laïques ou chiites de la région, sinon ceux des monarchies du Golfe et les plans impérialistes d’un Orient désintégré ?
Interview réalisée par M. Aït Amara et Mohamed El-Ghazi
(Suivra)

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.