Discours mi-figue mi-raisin d’Abdelmalek Sellal : nouvelles mises en garde, vieilles solutions
C’est un nouveau langage qu’a utilisé le Premier ministre dans son long discours devant les walis. On est loin du Sellal plaisantant à tout va et tournant en dérision des problèmes sérieux. Le Sellal de ce samedi n’a pas fait dans la dentelle, avertissant les citoyens à demi-mot de l’arrivée d’une période difficile pour le pays, et mettant en garde la mafia contre la réaction de l’Etat qui «ne se laissera plus faire». Traduit dans un langage clair, cette double annonce augure d’un changement de cap dont on commence déjà à entrevoir les premiers signes. Fini le temps de la plaisanterie et du laisser-aller, semble vouloir dire Abdelmalek Sellal, en s’adressant aux premiers responsables de l’administration accusés de freiner les projets «du Président» et de retarder le développement local. Aux citoyens, Sellal laisse entendre que les choses iront en s’aggravant et qu’ils devront, lorsque la période des vaches maigres surviendra, se rappeler que les mesures prises par Abdelaziz Bouteflika durant ces seize dernières années auront permis au pays de résister à la crise et d’en minimiser les effets. C’est dans cet objectif que Sellal a rappelé les «bienfaits» du remboursement de la dette, sans lequel l’Algérie se retrouverait dans une mauvaise posture après la baisse draconienne des cours du pétrole. C’est à une justification que s’est livré le chef de l’Exécutif, à la veille d’une rentrée sociale qui s’annonce au moins aussi difficile que les précédentes. Aux affairistes véreux et à la mafia qui gangrènent l’économie nationale, il promet de sévir, mais évite d’écorcher les barons du marché informel à qui il conseille d’intégrer le circuit officiel, car «le trabendo n’a pas d’avenir». A qui Sellal s’adressait-il, alors ? Les citoyens pourraient comprendre que le gouvernement a décidé de se débarrasser de la puissance de l’argent qui a assuré un quatrième mandat au président Bouteflika, mais il serait naïf de croire que le Premier ministre a les coudées franches pour ouvrir plusieurs fronts à la fois, à un moment où il est fragilisé par une situation sociale explosive et un risque sérieux d’épuisement des ressources financières engrangées jusque-là grâce aux recettes pétrolières, sans que les dépenses faramineuses consenties en trois mandats aient donné des résultats probants. Les problèmes se sont aggravés au fil du temps et la tâche du gouvernement devient de plus en plus rude. Après avoir habitué les citoyens à dépendre exclusivement de l’Etat, augmentant les salaires, distribuant les crédits à tort et à travers, garantissant le droit au logement, sans jamais répondre réellement aux besoins de la population – puisque les problèmes persistent –, et longtemps fermé les yeux sur les pratiques illégales, laissant les phénomènes de la corruption et du trafic en tout genre enfler, le pouvoir s’accroche désormais à la bouée du sauvetage collectif du pays après l’avoir conduit par ses choix unilatéraux et ses décisions incohérentes vers la situation chancelante dans lequel il se trouve.
Karim Bouali