Comment les médias ont atténué la colère de l’opinion publique en «culpabilisant» le père d’Aylan
Le choc provoqué par la photo de l’enfant syrien gisant mort sur une plage turque a mis les dirigeants occidentaux dans une gêne extrême. Exprimant en chœur leur «affliction» à la vue de cette image qui a fait le tour du monde, ces dirigeants ont appelé à des solutions radicales pour mettre fin aux flux incessants de migrants illégaux qui se déversent sur les plages européennes, en provenance de Libye, de Syrie et d’Afrique subsaharienne, et leur lot de morts. Autant l’impact de cette photo a été foudroyant, autant la présentation du père de la victime et son explication des circonstances du décès de son épouse et de ses deux enfants ont détourné les regards accusateurs qui étaient dirigés vers les va-t-en-guerre, faisant presque oublier les véritables raisons de ce drame. L'infamie du sort réservé à l'enfant a été dissipée par une phrase du père effondré : «Il m’a glissé des mains», parlant d’Aylan et de son frère qui ont péri en même temps que leur mère dans cette traversée macabre. Ainsi, le coupable est tout trouvé : le destin. L’horreur suscitée par la mort terrible de l’enfant syrien a été remplacée par la sympathie nourrie par l’opinion publique envers ce père meurtri par cette tragédie dont il est lui-même victime, car ayant perdu tous les membres de sa famille. Ce retournement de situation absout, dès lors, les responsables politiques occidentaux et l’Otan de leur responsabilité prouvée dans ces malheureux événements. Ce n’est pas un hasard si tous ces réfugiés qui risquent leur vie pour atteindre la rive nord de la Méditerranée choisissent précisément les pays d’Europe qui sont directement impliqués dans les conflits qui ravagent leurs pays respectifs. Ces marées humaines qui traversent la mer pour rejoindre la France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, etc., qui ne s’arrêteront pas de sitôt, voient en l’Europe une terre d’accueil forcée de les abriter et de leur garantir le minimum vital, à partir du moment où les principaux Etats qui la constituent ont décidé que l’ingérence était une action conforme au droit international. Une situation que les dirigeants occidentaux admettent, d’ailleurs, implicitement en ouvrant leurs frontières aux migrants tout en invoquant le caractère humanitaire de cette décision. En réalité, l’Europe subit les contrecoups de sa doctrine interventionniste dont il est fort à parier qu’elle a prévu les conséquences à l’avance et calculé le coût de cette politique belliciste dont les conséquences que nous voyons aujourd’hui sont minimes aux yeux des stratèges qui l’ont conçue, comparées au désastre économique et social qui guette l’Occident dans les années et les décennies à venir, s’il n’assure pas dès maintenant sa sécurité énergétique. Géopolitique ne rime pas avec sentiments.
Karim Bouali