Qu’est-ce qu’un général ?
Par M. Aït Amara – Jamais ce grade militaire n’a été aussi galvaudé, mâché, ruminé que chez nous. «Les généraux d’Alger» ; «le pouvoir des généraux» ; «le carré des généraux» ; «le pont des généraux». Mais, au fond, qu’est-ce qu’un général ? Un démiurge éternel, infini, unique ? Une déité à l’origine de la création de l’univers ? Un prodige exceptionnellement doué que nul ne peut égaler ? Etre général, c’est accomplir un travail comme un autre, qui obéit aux mêmes règles et aux mêmes principes : assurer une fonction en contrepartie d’un salaire. Mais d’où viennent donc cette fixation mentale et cette croyance irraisonnée qui fait fantasmer tout un pays au point de basculer inconsciemment dans une sorte de fétichisme, d’idolâtrie ? S’il est vrai que le peuple nourrit un immense respect envers son institution militaire qui, il faut quand même le rappeler, est l’héritière de la glorieuse Armée de libération nationale, cela doit-il, pour autant, faire de cette entité un Etat dans l’Etat ? Cette amplification du rôle de l’ANP vient de ce que la nation a réduit le concept de défense et de sécurité nationales à la seule puissance de feu et excepté les autres aspects autrement plus importants qui entrent en jeu dans la préservation et la sauvegarde de l’unité et de l’intégrité nationales. Une démesure qui, au fil des ans, a fait du chef de Région militaire un véritable roitelet auquel se soumettent systématiquement tous les autres représentants locaux de l’Etat, de l’élu jusqu’au wali, en passant par les notables et les hommes d’affaires. C’est de cette approche erronée qu’est née une confusion entretenue entre l’intérêt général et le fricotage qui arrange les affaires de beaucoup de monde et dont la dissipation serait fatale à bien des collusions sournoises. Cette omnipotence illusoire tient, en fait, moins de quelque puissance suprême que de la propension du citoyen, par fainéantise ou par masochisme, à confier son sort à une autorité quelconque qui réfléchirait, déciderait et agirait à sa place et en son nom. Pour que cela cesse, il faudrait que l’Algérien se départisse de sa posture de regardeur passif et participe à la vie politique et, donc, à la prise de décision. Sans cela, le général deviendra généralissime dans quelque temps. Le changement ne viendra pas du treillis kaki et des galons dorés, mais du col blanc et du bleu de travail.
M. A.-A.
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