Polémique autour de la participation de Merzak Allouache au Festival international du film à Haïfa
Le réalisateur algérien Merzak Allouache sera présent à la 31e édition du Festival international du film à Haïfa, en Israël, qui se tient du 26 septembre au 5 octobre prochain, avec son dernier film : Madame Courage, qui fait partie de 24 films français (ou réalisés en coproduction) sélectionnés à cette manifestation annuelle. Des membres du mouvement antisioniste BDS (Boycott, désinvestissement et sanction), en voie de création en Algérie, ont vite fait de dénoncer cet acte de compromission avec l’entité sioniste. Après avoir été confronté une première fois, en 2013, à une polémique provoquée par la présence d’un film israélien à la Mostra de Venise, où il a refusé de retirer un de ses films de la compétition, le réalisateur du mythique Omar Gatlato a franchi le Rubicon, cette année, en acceptant de participer à un festival organisé en Israël. Justifiant d’habitude son attitude par le refus de «rentrer dans la folie du boycott d’Israël», Merzak Allouache ne trouvera pas d’alibi à son initiative qui risque d’attirer sur lui les foudres de la critique arabe et, surtout, la colère des Algériens qui cultivent une susceptibilité particulière envers toute forme de normalisation avec l’entité sioniste, qu’elle soit politique, économique, sportive ou artistique. Le long métrage qui sera présenté à ce Festival est une coproduction franco-algérienne (Neon Production pour la France et Baya Films pour l’Algérie), tourné essentiellement en Algérie, et raconte une histoire algérienne. C’est l’histoire d’un adolescent solitaire et instable qui vit dans un bidonville de la banlieue de Mostaganem. C'est un garçon accro aux célèbres psychotropes surnommés en Algérie «Madame Courage», d’où le titre du film. Des comprimés d'Artane très prisés dans certains milieux de jeunes Algériens pour leur effet euphorisant d'invincibilité. Le film met en scène le basculement d’un destin, lorsque le jeune Omar, spécialiste du vol à l'arraché, va croiser le regard d’une jeune fille, Selma, qu’il projetait d’agresser. En plus donc de sa participation en tant qu’Algérien à une manifestation culturelle organisée dans un pays honni et avec lequel notre pays n’entretient pas de relations diplomatiques, Merzak Allouache prend le risque de se voir cautionner les hommages qui y seront rendus à des cinéastes pro-sionistes, comme Claude Lanzmann, réalisateur, entre autres, de Shoah (1985), Sobibor, 14 Octobre 1943, 16 Heures (2001) et Le Rapport Kaski (2010), et de Serge Bromberg, fondateur de Lobster Films, plus importante société de restauration et distribution de films classiques en France, qui mettent en valeur les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël et bafouent les résistances légitimes du peuple palestinien. Autre raison qui devrait inciter Allouache à renoncer à sa participation au Festival de Haïfa : la récente révolte du peuple palestinien contre la nouvelle agression israélienne à Al-Aqsa qui a soulevé une vague de solidarité dans le monde arabe.
R. Mahmoudi