Aux enseignantes martyres !
Par Kamel Moulfi – Le corps enseignant algérien – en particulier les enseignantes qui ont vécu la terrible décennie noire et mené à leur manière le combat contre le terrorisme et l’obscurantisme – ont en mémoire les actes criminels qui ont visé l’école à travers son personnel, les élèves et les infrastructures. Ils ne peuvent pas oublier ce samedi 27 septembre 1997, où onze enseignantes ont été égorgées dans un faux barrage, à Aïn Adden, près de Sfisef, dans la wilaya de Sidi Bel-Abbès, par les hordes islamistes sauvages. Pour notre part, nous n’avons pas oublié et nous nous inclinons devant la mémoire de ces soldates du savoir et de la science : Dich Amina, Tounsi Aziza, Boudaoud Kheira, Bouteraa Rachida, Mehdane Zohra, Bouhend Fatima, Fliou M'hamdia, Louhab Naïma, Lenfad Hafida, Cherrid Kheira et Bouali Hanafi Sahnounia. Elles avaient reçu des menaces de mort si elles n’arrêtaient pas d’enseigner. Elles étaient conscientes du danger dans une région éloignée des centres urbains et infestée de terroristes. Mais elles ont décidé de continuer à faire ce métier noble. Les terroristes ont eu la partie facile, connaissant les horaires et leur itinéraire, qu’elles n’ont pas modifié par défi face à ces hordes sauvages. En 1994, déjà, le GIA avait pratiquement interdit la rentrée scolaire et menacé ceux qui auraient le courage de prendre le chemin de l’école. A un mois de la rentrée, le GIA avait menacé de s’attaquer aux établissements d’enseignement et de tuer ceux qui s’y trouvaient si la rentrée avait lieu. Ces menaces avaient été prises au sérieux, les terroristes avaient déjà tué des dizaines d’enseignants et d’élèves. A Taher, par exemple, dans un douar de cette région de Jijel, en février 1994, un enseignant a été assassiné en classe dans une école primaire, devant ses élèves alors qu’il donnait son cours. Les élèves qui voulaient fuir ont été obligés par les terroristes d’assister à ce crime horrible. Le 28 février de la même année, Katia Bengana, lycéenne âgée de 17 ans, était assassinée devant le domicile de ses parents à Meftah. Le mois d’août 1994 avait été marqué par une série d’actes terroristes visant la destruction d’établissements scolaires – écoles primaires, CEM, lycées. Mais la rentrée eut lieu, les parents d’élèves et les enseignants, dans leur écrasante majorité, ayant refusé de céder au chantage de la peur et, donc, non seulement de résister, mais de combattre de cette façon les groupes terroristes, sachant qu’ils allaient mettre à exécution leurs menaces. Rien que pour les premiers jours de la rentrée en septembre de cette année-là, trois directeurs d’école et deux enseignants avaient été tués. Les deux enseignants ont été égorgés devant leurs élèves. En septembre 1994, un rapport établi par le ministère de l’Intérieur faisait état de 120 écoles brûlées à Chlef, 80 à Blida, 59 à Aïn Defla. Les terroristes s’acharnaient sur les femmes, enseignantes et directrices d’établissement, et sur les filles, évidemment sans défense, sans arme, tout comme les autres enseignants et élèves, toutes et tous, quasiment, avaient, avec un immense courage, refusé de se plier aux menaces de mort envoyées par les terroristes. Durant ces années, les terroristes en grand nombre faisaient irruption dans des établissements scolaires, entraient dans les classes, enlevaient des fillettes pour les égorger devant leurs camarades de classe et leurs enseignants, parce qu’elles ne portaient pas le hidjab. Celles qui portaient déjà le hidjab étaient sommées de se vêtir du djilbab. C’était l’époque où les groupes terroristes semblaient régner en maîtres dans certains quartiers des villes de l’intérieur du pays. A Chlef, par exemple, où des lycées avaient été obligés de fermer leurs portes en février 1995, date à laquelle les terroristes avaient affiché des tracts dans les mosquées pendant le Ramadhan, pour menacer de mort les parents qui enverraient leurs enfants à l’école. En avril 1995, le ministre de l’Education nationale précisa le bilan : 815 établissements d’enseignement ont fait l’objet d’actes terroristes pour les détruire. Des équipements pédagogiques et des bus scolaires étaient incendiés par les terroristes. Le transport scolaire, souvent par tracteur conduit par un paysan, à la campagne, fut la cible des tirs des terroristes, tuant ceux qui osaient amener les élèves à l’école et ceux qui les accompagnaient. Sanctuaire du savoir, l’école algérienne a été également celui du courage. Le personnel des établissements d’enseignement et les élèves qui sont morts dans le combat contre le terrorisme et l’obscurantisme méritent l’hommage de toute la population algérienne.
K. M.
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