Ebriété et agitation
M. Aït Amara – Que représente Hocine Benhadid pour qu’on l'élève ainsi à un grade politique supérieur et qu'on en fasse la victime d’un pouvoir agité ? Ce que certains appellent une «interview» que ce général à la retraite a accordée à une radio algérienne privée ne répond à aucun critère professionnel. Ni les questions posées n’étaient à la hauteur du sujet abordé ni la personne interviewée ne s’est exprimée au nom de quelque centre d’intérêt ou de décision pouvant influencer l'opinion publique. Le contenu comme la forme de cet entretien confinent à un amateurisme qui a tendance à se propager dans le métier, faute de sérieux dans le traitement des questions politiques corrompues par les ouï-dire et la confusion. Le pêle-mêle d’accusations proférées par l’ancien officier supérieur de l’ANP contre le frère du président de la République, le chef d’état-major de l’ANP, le président du FCE et tout l’aréopage qui vit et agit dans l’orbite de Bouteflika, n’a paru important que parce que leur auteur a porté le galon d’apparence de la hiérarchie militaire. Le déballage de Hocine Benhadid, qu'on voudrait promouvoir au rang de confession gravissime qui serait susceptible de faire se soulever le peuple et diviser l’armée – rien que ça ! –, est, à la vérité, le passe-temps quotidien et le menu principal de notre cuisine politique nationale, où les hypothèses abracadabrantes ne manquent pas. Ni lui n’a étayé ses accusations par des preuves tangibles ni ses pourfendeurs n’ont présenté un argument juridique valable pour justifier son arrestation. Si la diffamation devait être retenue contre lui, dans ce cas, il faudrait jeter en prison tous ceux qui discourent dans les cafés, dans les bureaux, sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision d’ici et d’ailleurs, confondant critique et calomnie, opposition et invective, soutien et courbette. Emprisonner cet ancien officier pour les propos qu’il a tenus est aussi aberrant que l’intérêt qui leur a été accordé. Hocine Benhadid ne pourra être jugé que pour «élucubration en état d’ébriété» tant qu’il n’aura pas présenté les preuves de ce qu’il a avancé. Sa sortie incongrue n’aura, en tout cas, pas aidé à faire éclater la vérité ; elle n’a, au contraire, fait qu’alimenter la suspicion et brouiller davantage la vision du citoyen perdu entre les assurances béates du pouvoir et les prévisions alarmistes de l’opposition. Encore une fois, l’essentiel est ailleurs.
M. A.-A.
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