Totem et tabou
Par R. Mahmoudi – Le gouvernement saoudien n’a pas tenu sa promesse de rendre publics, très rapidement, les résultats de l’enquête ordonnée par le «serviteur des Lieux saints» sur l’hécatombe de Mina qui a fait un millier de morts, selon le dernier bilan. Pis, les Saoudiens refusent d’établir les listes de personnes décédées dans la bousculade selon leurs nationalités, et laissent le soin à chaque pays de recenser ses propres morts, au fur et à mesure qu’ils sont identifiés. C’est le cas de l’Algérie qui n’arrête pas de compter ses morts depuis qu’a été annoncée, par surprise, la disparition d’une cinquantaine de pèlerins, au moment où le décompte macabre s’était arrêté à huit morts. Cette situation kafkaïenne, qui tient dans l’angoisse des dizaines de familles algériennes suspendues aux communiqués aussi froids que laconiques du ministère des Affaires étrangères, n’aurait pas eu lieu si le gouvernement algérien s’était montré suffisamment ferme auprès des autorités saoudiennes, pour exiger des explications sur ce qui est advenu de nos hadjis qui étaient censés être sous la responsabilité du pays hôte. On ne demande pas à nos dirigeants de suivre l’exemple des Iraniens qui, eux, ont réclamé – et obtenu en usant de menaces de guerre – le rapatriement des corps de leurs pèlerins morts à La Mecque dans cette bousculade meurtrière. On comprend que l’Algérie n’ait pas intérêt à entrer en conflit, en ce moment, avec un ogre comme l’Arabie Saoudite qui a ses tentacules destructeurs partout. Mais on s’attendait au moins à des déclarations du chef de la diplomatie ou du ministre des Affaires religieuses, rappelant à Riyad ses responsabilités et ses devoirs dans cette tragédie. Des déclarations susceptibles de sauver au moins l’honneur de l’Algérie bafoué dans cette affaire. Il n’en fut rien. On a même l’impression que c’est devenu, pour nos officiels, comme un sujet tabou.
R. M.
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