Guerre à distance entre les deux puissants hommes d’affaires Issad Rebrab et Ali Haddad
La tempête soulevée par les accusations réciproques entre le ministre de l’Industrie et le patron de Cevital s’étend au patron du FCE. Le président du Forum des chefs d’entreprises, Ali Haddad, s’est en effet mêlé à la polémique, à partir d’El-Oued, dans le sud-est du pays, où il a accusé Issad Rebrab – sans le nommer – de faire partie de «ceux qui détiennent des journaux et activent dans des partis politiques pour brosser un tableau noir sur la situation du pays et répandre le découragement et le désespoir». Ali Haddad a notamment indiqué que «quatre personnes ont la mainmise sur les journaux et militent depuis 25 ans au sein de partis politiques sans avoir apporté quoi que ce soit au pays, se contentant de saper le moral du peuple», selon une déclaration reprise par un quotidien arabophone. Les deux hommes d’affaires les plus en vue se mènent une guerre larvée depuis que le patron de l’ETRHB a pris les rênes de l’organisation patronale en remplacement de Réda Hamiani, à la veille de la campagne électorale pour le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Le FCE s’était alors clairement positionné en faveur du candidat à sa propre succession, poussant Issad Rebrab à claquer la porte de l’organisation. Le magnat du sucre avait, lui aussi, faut-il le rappeler, pris position en faveur d’Abdelaziz Bouteflika en 1999, obligeant son journal à s’aligner sur la politique du gouvernement jusqu’en 2004 où le richissime homme d’affaires avait choisi le camp d’Ali Benflis. La passe d’armes entre les deux hommes prend un caractère politique, bien que l’un et l’autre affirment se concentrer sur leur activité économique. Si Issad Rebrab a depuis longtemps allié politique et affaires, Ali Haddad ne s’est affiché ouvertement aux côtés du pouvoir que lors de la dernière élection présidentielle où il avait organisé le déplacement du directeur de campagne de Bouteflika, Abdelmalek Sellal, à Tizi Ouzou, après les déboires que celui-ci avait vécus à Béjaïa quelques jours auparavant. Le patron de Cevital fut l’un des premiers hommes d’affaires à se doter d’un journal, au début des années 1990, tandis que sa proximité avec le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Sadi n’est un secret pour personne. En toile de fond de cette confrontation à distance entre Issad Rebrab et Ali Haddad, l’élection présidentielle de 2019. Des sources proches de l’entourage d’Issad Rebrab avaient indiqué à Algeriepatriotiqueen 2012, que le patron de Cevital avait l’intention de se présenter à l’échéance de 2014 et qu’il s’y préparait, mais la conjoncture semble l'avoir dissuadé d’aller jusqu’au bout de ses prétentions politiques, Bouteflika ayant décidé de rempiler. Choisissant un autre chemin, Ali Haddad multiplie les appels au gouvernement pour qu’il laisse faire les opérateurs économiques et libère l’initiative privée, sans pour autant manifester une quelconque volonté de briguer une fonction officielle. Ali Haddad détient, néanmoins, lui aussi des journaux et des chaînes de télévision créés surtout pour soutenir le président Bouteflika et le gouvernement Sellal. Deux démarches différentes, mais qui, in fine,obéissent au même objectif : asseoir la priorité de l’économique sur le politique. Il faut s’attendre à ce que la confrontation entre les deux patrons aille crescendo au fur et à mesure que la présidentielle de 2019 approchera. D’autant qu'ils sont tous les deux issus d’une même région – la Kabylie –, connue pour son effervescence politique.
Karim Bouali
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