Lancez-vous dans les affaires !

Par Abderrahmane Zakad – Je vous apprendrai la corruption en 10 leçons. Coût : 100 dollars/heure, virées chez Sauveur à El-Djamila, formation en italien par les professeurs Saipem et Chakib Khelil, spécialistes dans le domaine, Institut Falcon entremetteur. Tout se fait par télépathie, sans risque. Formation assurée, avenir incertain. Dossier à envoyer à El-Harrach.
1er cours gratuit : la corruption.
Introduction

Par Abderrahmane Zakad – Je vous apprendrai la corruption en 10 leçons. Coût : 100 dollars/heure, virées chez Sauveur à El-Djamila, formation en italien par les professeurs Saipem et Chakib Khelil, spécialistes dans le domaine, Institut Falcon entremetteur. Tout se fait par télépathie, sans risque. Formation assurée, avenir incertain. Dossier à envoyer à El-Harrach.
1er cours gratuit : la corruption.
Introduction
La maîtresse : «Conjugue-moi le verbe manger.»
Nabila : «Mon papa mange.
Tonton Djamel mange.
Le facteur mange.
L'éboueur mange.
Le surveillant mange, il téléphone avec mon portable.»
– Nabila, ce n'est pas conjuguer cela.
Je sais, mais c'est la réalité (Zakad).
Développement
La réunion est programmée depuis un mois. On a pu enfin rassembler la commission autour de la table. Ordre du jour : la corruption.
Le président de séance : «Vous savez pourquoi nous sommes là.»
Hon ! Hon ! Tout le monde hoche la tête.
Il poursuit : «Notre pays est miné. Il se délite et va en java. Trop d'argent se transmet de la main à la main, de la main à la poche et de la poche à l'armoire. Tout le monde met la main à la pâte. A ce rythme, nous n'aurons plus d'argent, ni en banque ni en circulation. Des milliards de dinars manquent dans le circuit financier. Il faut mettre fin à cela.»
Le banquier : «Des chaînes se forment déjà à nos guichets.»
Le député : «La commission de l'Assemblée a enregistré 6 132 cas de corruption cette année. C'est intenable.»
L'économiste : «Messieurs, il convient d'abord de définir ce qu'est la corruption.»
Le sociologue : «La corruption c'est donner ou recevoir un pot-de-vin.»
Le député : «Je proteste. Le mot pot-de-vin est inacceptable. Le Coran interdit le vin. Trouvez un autre mot.»
Le président : «Allons ! Nous n'allons pas nous bloquer sur l'épistémologie.»
Le député : «C'est quoi ça, le pipitémologie.»
On ne lui répond pas. Tous le regardent,
L'économiste : «Parlons de bakchich, c'est le langage du peuple.»
Le DGSN : «Pas question. C'est un mot oriental. Il ne convient pas.»
Tous se regardent.
Le banquier : «Je propose dessous-de-table.»
Le député : «Pas question. Dessous-de-table suppose une petite somme. On peut donner de l'argent sans table.»
Le douanier : «Retenons alors graisser la patte.»
L'économiste : «C'est restreint. On graisse la patte aux petits fonctionnaires. Ça ne convient pas pour les hauts responsables.»
Le sociologue : «J'ai trouvé. Utilisons arroser, cela suppose beaucoup et partout !»
Le député : «Ce n'est pas précis. En plus, on risque de contrarier les pompiers.»
Le sociologue : «Si on adoptait rachoua. C'est un mot de chez nous.»
Le député : «La Banque mondiale refusera. Il n'est pas dans leur dictionnaire.»
L'économiste : «Au sens universel, le fait de recevoir un bien matériel sans contrepartie est illégal et illicite. C'est une rachoua. J'insiste.»
Le député : «Je ne suis pas d'accord. Quand mon douar m'offre un mouton, je suis obligé de l'accepter. C'est dans les traditions.»
Le sociologue : «Donc tu manges ?»
Le député : «C'est mon affaire.»
Le sociologue : «On prétend aussi que nombreux sont les députés qui mangent.»
Le député : «C'est leur affaire.»
Le sociologue : «Mais avouez que l'Assemblée ne dit rien.»
Le député : «C'est notre affaire.»
Le sociologue : «Echbi djadek ! Tu nous bloques, y a si l'député !»
Le président : «Allons ! Allons ! Du calme. Je propose de constituer une sous-commission qui se chargera de trouver un mot satisfaisant. La séance est levée.»
Je ne finirai pas sans ce petit mot d'un corrompu :
«Mes petits besoins augmentent chaque jour du fait de mon mariage et je n'arrive pas à satisfaire mon épouse. Quelle triste obligation d'arrêter tous mes désirs alors qu'une rachoua permet l'aisance dans mes bourses.»
A. Z.

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