Syndrome de l’œil sec
Par M. Aït Amara – Vivant, Jean de La Fontaine en aurait fait une fable qu’il aurait intitulée «L’aigle et la pleureuse». Lorsque nous avions vu le colonel Benaouda arroser avec ses grosses larmes bruyantes Abdelaziz Bouteflika – fraîchement élu président de la République après une longue «traversée du désert» –, nous nous étions demandé où cet ancien président de l’Ordre du mérite national avait acquis cet art du sanglot. Il aura fallu seize longues années pour que nous apprenions, enfin, grâce à un témoignage du général Khaled Nezzar, que cette profession dans laquelle le colonel Benaouda est passé maître est un métier à part entière dont l’existence est attestée depuis l’Egypte ancienne et qui persiste jusqu’à nos jours. En rappelant l’ancienne fonction de ce colonel comme attaché militaire à l’ambassade d’Algérie au Caire dans les années 1960, il n’aura pas fallu réfléchir longtemps pour faire le lien entre ce protée et l’art de se frapper la poitrine et de chanter des élégies à la louange de [sa] victime de la Cour des comptes. Notre pleureur, dont les Algériens ont pu apprécier la prestation en direct à la télévision en 1999, a feint le chagrin à la manière d’un grand acteur de cinéma, afin de faire paraître plus important le remord et le repentir. Le colonel Benaouda, qui doit tenir ce titre de sa participation à la lutte armée, a effacé ses années de combat d’un trait le jour où il s’est prosterné devant un homme pour lui demander pardon, avouant, par là même, qu’il faisait partie de ces lyncheurs lâches qui se mettent à plusieurs contre un pour l’exécuter et qui l’ornent d’une auréole dès qu’il se relève. Ce lope sournois vient aujourd’hui écarquiller ses yeux pour nous montrer que ses glandes lacrymales ont cessé de produire les larmes de crocodile dont il a versé un torrent et qu’il en a transféré les pouvoirs de tartuferie à ses glandes salivaires pour nous baigner dans sa démence sénile et son gâtisme de fin de vie.
M. A.-A.
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