L’ancien Premier ministre italien Berlusconi à propos de son «ami» Kadhafi : «Nous l’avons piégé !»
La première biographie autorisée de Silvio Berlusconi vient de sortir en Italie et dans d’autres pays. L’auteur du livre, intitulé My Way, est un ancien correspondant du Financial Times à Milan, Alan Friedman. C’est lui qui a recueilli les confidences du Cavalieri. Un long chapitre de l’ouvrage est consacré à Mouammar Kadhafi, où on apprend beaucoup de choses sur l’évolution de cet «ami» de Berlusconi. L’ancien président du Conseil italien raconte qu’il fut le premier, en février 2004, à féliciter Kadhafi d’avoir abandonné «la voie du terrorisme». Berlusconi rapporte que le leader libyen était affolé à l’idée de terminer comme Saddam Hussein, mais il laisse entendre que ce qui intéressait, avant tout, Kadhafi, c’était l’argent. Il voulait que l’Italie finance la construction d’une autoroute qui relierait l’Egypte à la Tunisie en longeant la Méditerranée. Ce financement entrait dans le cadre des compensations italiennes pour son passé colonial en Libye. A l’aide d’une promesse de cinq milliards de dollars, Berlusconi obtint de Kadhafi qu’il empêche le passage par la Libye des milliers de migrants qui traversaient ensuite la Méditerranée pour aller en Europe en passant par l’Italie. Le leader libyen était généreux avec son «ami» Berlusconi à qui il offrait des cadeaux embarrassants au goût de ce dernier, comme, l’exemple qu’il cite, la famille de chameaux. A propos de Kadhafi, Berlusconi affirme : «Nous l’avons éduqué, nous l’avons charmé et nous l’avons piégé.» Mais Alan Friedman écrit que «Kadhafi avait tourné casaque» grâce «aux efforts des agents de la CIA et du M16, puis à la coordination par la Maison-Blanche et le 10, Downing Street, d’une série de négociations secrètes ». A partir des confidences de Berlusconi, Alan Friedman décrit la volte-face de Nicolas Sarkozy à l’égard de Kadhafi qu’il avait commencé pourtant par courtiser ouvertement en l'accueillant avec les honneurs à Paris en décembre 2007, «moins de six mois après sa prise de fonction présidentielle», précise l’auteur. Sarkozy a arraché des contrats, notamment de ventes de Rafale, mais comme le rappelle l’auteur, «en définitive, Kadhafi n’acheta pas grand-chose à la France». Pour des raisons électorales, laisse entendre l’auteur, Sarkozy, tiède au départ du «Printemps arabe», «prit le train en marche » et déclara dès le 25 février 2011 que «Kadhafi devait partir». Il a «soûlé» les autres dirigeants occidentaux pour une intervention militaire en Libye. Berlusconi explique cette attitude par la jalousie de Sarkozy : «Il était jaloux de mes excellents rapports avec Kadhafi. Il se rendait compte qu'il ne pourrait jamais me concurrencer pour de nouveaux contrats pétroliers et gaziers en raison de mon amitié avec le colonel.» Berlusconi était convaincu que se lancer dans une guerre avec ce pays était une pure folie, lit-on dans la biographie. L’ancien Premier ministre italien ne cache pas qu’il était «totalement opposé à cette attaque». Il se sentait lié par son amitié avec Kadhafi. «Après tout, dit-il, j’avais réussi à le faire passer d’ennemi à ami». A son arrivée à l’Elysée, le 19 mars 2011, pour une réunion demandée par Sarkozy, Berlusconi apprit qu’il y avait déjà eu une réunion restreinte entre Nicolas Sarkozy, Hillary Clinton et David Cameron. Il se rendit compte, écrit le biographe sur la foi de témoignages des aides italiens, que «tout ce qui allait se produire avait déjà été prévu et qu’il avait été exclu du processus». A l’annonce de l’assassinat de Kadhafi, écrit Alan Friedman, Sarkozy semble se réjouir, mais «Berlusconi, en revanche, considère qu’il a perdu un ami». L’auteur rapporte que Berlusconi, s’il admet que l’ancien leader libyen était un dictateur, est convaincu «qu’un Kadhafi domestiqué était tout de même préférable au chaos et à l’anarchie qui règnent aujourd’hui dans une Libye encombrée de milices tribales ainsi que de terroristes d’Al-Qaïda et de Daech». Concernant l’assassinat de Kadhafi, l’histoire d’un agent envoyé par Sarkozy pour cette sale besogne, écrit l’auteur, est bonne «pour les adeptes des théories de la conspiration». Par contre, conclut-il, «l’existence d’un complot pour faire tomber Berlusconi, curieusement, s’est révélée exacte». «Une véritable intrigue à l’ancienne», à laquelle il consacre un autre chapitre intitulé «L’intrigue internationale».
Houari Achouri