Quand le FMI devient un instrument pour faire démissionner un chef de gouvernement indésirable
Dans son livre My way, consacré à Berlusconi, Alan Friedman raconte comment le FMI a été utilisé par Sarkozy pour comploter contre le Cavaliereet le faire démissionner. C’est l’Américain Tim Geithner, secrétaire d’Etat au Trésor, qui révéla le complot. Les 3 et 4 novembre 2011, en pleine crise de l’euro, le G20 tient sa réunion à Cannes, présidée par Sarkozy. Alan Friedman rapporte les confidences de Geithner à ses collaborateurs : «Les Européens nous approchent discrètement, indirectement, avant les réunions officielles. Ils nous disent : "Nous aimerions que vous nous aidiez à pousser Berlusconi à la démission"». Comment ? "Plus d’argent pour sauver l’Europe, si Berlusconi restait chef du gouvernement italien".» Par Européens, «Geithner pointe directement la France et l’Allemagne». Et qui étaient les «responsables européens» ? Sarkozy et Merkel. L’ancien président de la Commission européenne, Manuel Barroso, cité par l’auteur, dit n’avoir aucun doute là-dessus : ils «auraient été ravis d’être débarrassés de Berlusconi». Ils considéraient que «le chef du gouvernement italien était le vrai problème. Ils tentaient de mettre en place un plan pour lui faire quitter le pouvoir. Ils échafaudaient toutes sortes de manigances». La thèse du complot contre Berlusconi a été confirmée à Alan Friedman par un ancien conseiller de la Maison-Blanche. «Merkel ne pouvait pas supporter Berlusconi», rapporte ce conseiller, cité par l’auteur qui précise, concernant Obama : «Le Président ne voulait pas s’en mêler. Il préférait laisser les Européens se débrouiller tout seuls.» Un ancien membre du FMI ne croit pas «qu’il y ait eu la moindre délicatesse envers le responsable italien». Pour lui, «vous pouvez appeler ça complot, si vous voulez». Le contexte se prêtait à la machination, comme le rappelle l’auteur, «Berlusconi était embourbé dans un procès pour scandale sexuel avec des mineures». C’est un Berlusconi, décrit par un de ses conseillers comme «un monsieur de soixante-quinze ans, fatigué et stressé», qui arriva à Cannes pour participer à la réunion du G20. La rumeur sur sa démission et son remplacement par Mario Monti n’a pas tardé à lui parvenir. Dans la salle de conférences, écrit l’auteur, «Berlusconi se retrouva face au redoutable duo Merkozy». Dans la suite de ce chapitre, l’auteur montre implicitement comment une institution comme le FMI est utilisée par d’autres puissances, la France et l’Allemagne dans ce cas, pour liquider le chef de gouvernement d’un pays souverain, de surcroît leur allié et il s’agit là de Silvio Berlusconi et de l’Italie. Les comploteurs mirent une énorme pression sur le Cavaliere pour qu’il accepte un prêt du FMI, sachant qu’«il était bien compris que Berlusconi ne pourrait survivre politiquement s’il signait un programme avec le FMI», comme l’ont précisé à l’auteur de hauts responsables de cette institution. Berlusconi ne voulait ni d’une «colonisation de l’Italie» ni d’une troïka qui aurait touché à «la souveraineté» de son pays et il savait que c’était à ça qu’aurait conduit l’«aide» du FMI que voulaient lui imposer Sarkozy et Merkel. Au passage, notons que l’atmosphère du G20 était tout aussi humiliante pour Zappatero, chef du gouvernement espagnol, sans parler du Premier ministre grec, malmené la veille. Christine Lagarde, directrice du FMI, décrite dans le comportement d’une joueuse de poker, assuma fidèlement le rôle hostile à Berlusconi, qui lui était imparti dans ce complot par Sarkozy. L’auteur rapporte que Zappatero était surpris de la voir dans ce rôle, elle «soutenait la position des grandes puissances sans donner sa propre opinion». Juste pour satisfaire l’obsession de Sarkozy d’imposer à l’Italie un prêt de soutien de 80 milliards d’euros, accompagné de l’humiliation de ce pays avec pour objectif de faire démissionner Berlusconi. Un ancien collaborateur de Berlusconi, cité par Alan Friedman, a été sans pitié pour la directrice du FMI : «J’étais dans cette salle, à Cannes, et je peux vous dire que Christine Lagarde s’est comportée comme un pantin dont Sarkozy tirait les ficelles.» Finalement, un compromis est trouvé, Berlusconi accepte la surveillance du FMI, mais pas l’aide, ce «baiser de la mort», comme l’a qualifiée Geithner. «L’intrigue internationale avait échoué», note l’auteur qui impute cet échec au refus têtu de Berlusconi et à l’intervention, comme arbitre de fait, d’Obama. Mais cette issue ne sauvera pas Berlusconi, humilié publiquement à Cannes et contraint ensuite à abandonner son poste de chef de gouvernement sur décision du président de la République italienne. Berlusconi explique l’hostilité incroyable de Sarkozy à son égard par, notamment, le fait qu’«il était obsédé par l'argent, il enviait ceux qui étaient fortunés. Il était jaloux, parce que j'étais riche et lui non». Mais est-ce la raison principale du complot ?
Houari Achouri