Les ingérences et les tentatives de déstabilisation de la France en Algérie

Par Abdelkader Benbrik – L’ingérence de la France en Algérie, une opération permanente et continuelle depuis le 19 mars 1962. Les agents d’influence de la France (traîtres infiltrés) ont toujours opéré parmi nous, ils ont infiltré toutes les institutions, les grandes entreprises, les administrations et même les services de sécurité (force locale installée par la France durant la période du cessez-le-feu, certains sont devenus en 24 heures des moudjahidine). En 1965, il y a eu la création de l’ORP (Organisation de la résistance populaire) avec Boudia, Zahouane, Harbi, Alloula… et là, nous ne jetons pas l’anathème sur l’ensemble des militants de l’ex-ORP dont certains étaient, j’en suis convaincu, de sincères patriotes. Lorsque Boumediene ordonna le démantèlement de cette organisation, les éléments de la Sécurité militaire algériens eurent à arrêter une soixantaine de ressortissants français, dont le but était de déstabiliser le pays. Tous furent jugés et condamnés. Libérés par la suite en vertu d’accords passés entre l’Algérie et la France, ou dans l’échange de prisonniers, dont nos deux héros détenus en France : le capitaine Ouali Boumaza alias Tayeb et le lieutenant Tabti Rachid alias le Prince, alias Richard, ou par des mesures de grâce. Après l’arrestation de ces agitateurs français, la riposte des services français ne se fit pas attendre. Ils recrutèrent, dans le milieu parisien, cinq hommes qui avaient pour mission, moyennant cinq millions de francs, de liquider physiquement Houari Boumediene, Kaïd Ahmed et Abdelaziz Bouteflika, ainsi que le redoutable capitaine Abdellah Benhamza. Ce commando à peine arrivé à Alger fut interpellé et ses agents furent déférés au parquet d’Alger. Lors des interrogatoires, ils soutinrent mordicus qu’ils avaient été recrutés par la branche française de l’ORP. Les puristes de l’histoire pourront se rapprocher du parquet d’Alger où ils trouveront, sans peine, les minutes du procès. Mais le plus grave est la collaboration des traîtres. L’histoire racontera plus tard comment la main étrangère a réussi plus au moins à déstabiliser l’Algérie à partir du 5 octobre 1988. La guerre des ombres continue, elle ne cessera jamais. Tant que l’Algérie détient des ressources considérables qui demeurent convoitées. C’est aux Algériens de demeurer vigilants. Octobre 1988, la concrétisation du Plan bleu, élaboré sous l’égide de François Mitterrand, prévoyait la déstabilisation de l’Algérie. Depuis, la France a hébergé des groupuscules, qui se présentaient comme «indépendantistes» dans les deux parties de l’Algérie, le Nord et le Sud. Le Maroc emprunte le chemin de la France, une partie de ses agents de renseignement sont désignés en permanence au Rif, ils supervisent la production de kif et son transfert à la frontière algérienne en connivence avec certains collabos algériens, la plupart résidant à la frontière. On ignore pour le moment si nos services sont demeurés vigilants comme ils étaient durant cette époque ? Les services français nous ont habitués aux divers genres de complots, depuis les années cinquante. Après la guerre d’Algérie, les mêmes procédés ont été repris pour duper l’opinion publique française et internationale. L’affaire des espions d’Ariane en 1987, l’affaire Luchaire, l’attentat terroriste perpétré contre le bateau de Greenpeace à Auckland (Nouvelle-Zélande) en 1985, l’affaire des Irlandais de Vincennes, et tant d’autres indiquent que les services spéciaux français, parce que peut-être ils n’ont pas voulu ou pu élaborer une nouvelle approche du renseignement, sont condamnés à user des mêmes vieilles méthodes qui ont fleuri en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles, que Hitler a remises au goût du jour au début des années 1930 et qui continuent de faire tant de dégâts en France et au Maghreb parce que la communauté internationale n’a pu inventer des normes, un modèle de conduite qui pourrait aider à une saine gestion des affaires internationale. En Algérie, durant la décennie noire, certaines investigations laissaient planer le doute sur la participation des services français dans certains coups, comme l’enlèvement et l’assassinat des sept moines de Tibhirine, où le colonel Roger des services français serait impliqué, évidemment avec Djamal Zitouni, qui n’était pas un inconnu de l’ambassade de France à Alger ! L’affaire de l’avion d’Air France, l’affaire de Marrakech, où les exécutants ont été recrutés et manipulés par les services d’outre-mer. Tout cela entrait dans le cadre bien précis de déstabilisation de l’Algérie et de l’UMA. «Si ça dort chez nous, là-bas reste éveillé, me dira un ministre africain, nous, les Africains, on nous a calqué dans le cerveau la mouche tsé-tsé.» Il y a aussi la rivalité entre les différentes directions du renseignement français. Dans le cas de l’attentat manqué contre l’agence Air France à Madrid, et pour lequel était utilisée de la main-d’œuvre recrutée par la DST, c’était la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) qui était ciblée. Entre ces deux organismes chargés de la sécurité française, les coups bas ont été de mise depuis leur création. Le lecteur africain qui a de la mémoire peut évaluer l’ampleur de cette concurrence, en se remémorant la guerre qu’elle a engendrée de 1960 à 1962 au plus fort de la guerre algéro-française entre civils et militaires français, entre le SDECE et la DST, et entre la direction des renseignements généraux et la Sécurité militaire. Des «coups» aussi fumants, comme les avions renifleurs qui ont tourné en ridicule l’ex-président Valéry Giscard d’Estaing. Jusqu’à présent, la majorité écrasante des diplomates reconnaissent qu’il n’est pas sérieux de vouloir moraliser ce qu’il ne peut l’être. A leurs yeux, l’éthique et la politique étrangère sont contradictoires, antinomiques et seuls les intérêts égoïstes prévalent. Ces diplomates ne s’attardent guère sur le cas français, tant la scène mondiale fourmille d’exemples : Panama, Colombie, Afghanistan, Angola, guerre des Malouines, Irak, Iran, Soudan, Libye, Syrie sont autant de «cas» redevables aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne qui ont bouleversé l’opinion mondiale, et qui l’ont confortée dans sa conviction que seul le droit du plus fort prévaut. En 1987, l’Algérie a été impliquée dans ce type de transactions politiques, mais un procès bien géré a étouffé le scandale et les services secrets algériens ont saisi cette opportunité pour nettoyer les écuries d’Augias. Les conséquences de l’héritage historique, par contre, sont infiniment plus dévastatrices, elles sont en train de faire imploser plusieurs pays africains. En Algérie, elles déterminent presque toutes les démarches des différents acteurs politiques et impulsent à la société des pressions dont les effets se propagent jusqu’à la cellule familiale. Prenons un banal exemple pour illustrer ce phénomène : lorsqu’en 1988, une dame algérienne politique et deux militantes de son mouvement reçoivent, à Paris, trois chèques d’un montant global d’environ dix-neuf millions pour organiser «une journée d’étude» sur la femme algérienne et la démocratie, aucun journal français n’en fait état. Pourtant, la rencontre a bien lieu dans une institution française, l’Institut du monde arabe (IMA) dirigé à l’époque par Edgar Pissani. La plus grosse partie de la subvention venait de trois ministères français, autrement dit, des fonds de l’Etat constitués en partie des impôts publics. Une saine approche de cet événement voudrait qu’il ne s’agisse là que de la concrétisation du soutien de la France à la culture, au droit à la démocratie et bien sûr à la protection des droits de la femme, quelle que soit son origine ou sa nationalité. Cette dame politique représentait une organisation, un mouvement féministe et un programme politique pour lesquels d’autres citoyens algériens et français militaient depuis 1981 et continuent de militer dans les deux pays. En outre, cette dame n’était pas la seule à bénéficier de l’aide française, il faut de la publicité, des billets d’avion, entretenir partout les sphères politiques, payer les factures de téléphone, etc. Or, ces activités ne peuvent être financées directement. Il faut sauvegarder les apparences et préserver la sécurité de ceux qui gèrent les opérations. Il faut surtout penser à moraliser l’action en cours et quelle meilleure couverture que celle des principes moraux ! Les milieux universitaires, ceux des arts, des lettres, le corps de la médecine, la fonction publique elle-même fourmillent de gens qui travaillent simultanément, chacun sur un programme défini, dont les résultats doivent concourir à la réussite d’un même but.
A. B.

 

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