Des moudjahidine, anciens ministres et acteurs politiques demandent audience à Bouteflika
La situation générale du pays est telle que des personnalités nationales saisissent le président Abdelaziz Bouteflika par écrit pour lui demander audience. Dans une lettre rendue publique aujourd’hui vendredi à Alger lors d’une conférence de presse, les signataires motivent leur demande d’audience par des faits d’une extrême gravité. Parmi ceux-ci, le renoncement à la souveraineté nationale, attribut de l’indépendance nationale chèrement acquise, par notamment l’abandon du droit de préemption de l’Etat. La lettre fait état de «la déliquescence des institutions de l'Etat à la construction desquelles vous avez (Bouteflika, ndlr) tant consenti, mettant en péril les acquis de la nation et affaibli le front politique et social national, au moment où le niveau des menaces extérieures est si élevé». Dans ce groupe de dix-neuf personnalités figurent, entre autres, la pasionaria du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, les anciens ministres Khalida Toumi, Fatiha Mentouri et Abdelhamid Aberkane, le commandant de l’ALN Lakhdar Bouregaâ et les moudjahidine condamnés à mort Abdelkader Guerroudj, Mustapha Fettal et Zohra Drif- Bitat. Les signataires de la lettre s’inquiètent de l’installation d’une sorte de pouvoir parallèle et veulent s’assurer que le chef de l’Etat contrôle tout. «La substitution d'un fonctionnement parallèle, obscur, illégal et illégitime au fonctionnement institutionnel légal en faveur duquel nous connaissons votre engagement», écrivent-ils tout en enchaînant par «la grave dégradation de la situation économique et sociale qui frappe la majorité du peuple algérien». Dans leur lettre, ils font part de leur inquiétude quant aux réponses apportées aux autorités du pays, augurant de l’extrême précarisation des plus vulnérables tout en livrant le pays, ses richesses, ses capacités aux prédateurs et aux intérêts étrangers contre lesquels vous avez tant lutté. La demande d’audience est également motivée par ce qu’il se passe actuellement au sein de l’armée. Outre le limogeage en série d’officiers supérieurs, les signataires relèvent également la sanction arbitraire infligée à certains d’entre eux, à l’instar du général Hassan qui croupit en prison. Ils insistent dans leur lettre sur «l’abandon des cadres algériens livrés à l'arbitraire, aux sanctions partiales, en violation des lois et règlements de la République et des procédures légales dans un climat d'oppression que vous haïssez tant». Et les signataires de la lettre expliquent leur recours à la presse par leur crainte que la demande ne lui parvienne pas. «Le recours à la presse pour vous faire parvenir notre demande d'audience est dicté par notre crainte légitime qu’elle ne vous parvienne jamais par les canaux institutionnels officiels», soutiennent-ils, considérant leur initiative comme un acte patriotique. Il s’agit ainsi pour eux de lever le doute sur ce qu’il se passe en Algérie et interpeller le chef de l’Etat sur certains dérapages qui mettent en péril la pérennité de l’Etat nation. Il faut souligner que c’est la première fois que des personnalités ayant travaillé ou soutenu politiquement le président Bouteflika émettent des doutes sur l’auteur des décisions prises dernièrement dans divers domaines. Un mauvais signal pour les tenants du pouvoir.
Rafik Meddour