Initiative isolée et maladroite
Par R. Mahmoudi – Quel sens donner à l’initiative des dix-neuf personnalités qui ont demandé audience au chef de l’Etat pour lui soumettre leurs préoccupations, mais surtout pour s’assurer – comme le disent les concernés sans sourciller – que celui-ci «sait vraiment tout ce qui se passe autour de lui» ? Aussi inédite et audacieuse soit-elle, cette sortie est toutefois loin de pouvoir influer sur le débat politique dans le pays ou de se présenter réellement, comme le souhaitent ses promoteurs sans le dire, comme une troisième voie entre les promoteurs du quatrième mandat et l’opposition incarnée par la CLTD. D’abord, parce que les signataires du document adressé à Bouteflika n’ont pas de poids sur la scène politique ou sociale ; la plupart d’entre eux sont d’anciens protégés du pouvoir qui, apparemment, ont été écartés par l’entourage du Président qui les y a placés et qui voudraient, aujourd’hui, s’en plaindre à lui de vive voix. Peut-être la présence de Louisa Hanoune procure-t-elle à la démarche une sorte de dimension politique, mais elle-même est connue pour avoir soutenu toutes les démarches et actions initiées par le chef de l’Etat, jusqu’à servir de lièvre durant les quatre dernières élections présidentielles. Aussi, la démarche manque a priori de cohérence. Car si ce qui intéresse réellement ces dix-neuf personnalités est de poser les problèmes de fond, y compris celui de la déliquescence des institutions, du principe de la préemption de l’Etat ou même celui de la santé du président de la République, et si elles estiment que le pays traverse une situation si grave, elles devraient alerter d’abord l’opinion publique et essayer d’en sensibiliser de plus larges secteurs. Quand on se sent politiquement responsable et qu’on s’inquiète à ce point de la santé du premier magistrat du pays, on ne va pas se contenter de faire dans la philanthropie politique. On doit avoir le courage d’aller jusqu’au bout de sa logique. A défaut de quoi, cette initiative risque d’être interprétée, au mieux, comme une simple tentative de revenir en grâce, au pire, de parasiter le travail de l’opposition.
R. M.
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