Davy Crockett et le prix Assia Djebar
Par Abderrahmane Zakad – Devant le beau bar d’O. K. Corral sont debout les sept mercenaires désignés pour élire les plus beaux canassons du territoire de Thombstone, c’est-à-dire les livres. Parmi 67 concurrents, des alezan et des juments de Tiaret, trois zigues doivent être sélectionnés. Les cow-boys-jurys sont alignés de dos, avec leur galurin qui cache leur visage et on ne pouvait les deviner qu’à travers la glace du bar où s’affairent Lolita, Pépita et Rosita en tenue bigarrée, fanfreluchée, chère aux Mexicains. On parle de feu et de fumée et aussi des Creek menés par leur chef Aigle Rouge qui résistèrent à… Batna, pardon à Bâton Rouge en 1813 aux soldats de Bernardo de Galvez. En sourdine s’évapore l’air de «Deguello» joué sans interruption lors de l’attaque de Fort Alamo où Davy Crockett trouvera la mort en 1836 devant le général Santa Anna. Le lecteur aura compris que «Deguello» ne veut pas dire «Dégage» qui apparaîtra en 2011 lors de la bataille du Printemps des AVA, les Aigles vides arabes. Alger est conquise à cette époque (1836) et l’armada des Davy Crockett coloniaux décimait, brûlait et étêtait le peuple algérien sous le chant de la Marseillaise et des gueules cassées. Maâlich, on les a eus en 1954 et en 1958 lors de la bataille de Souk Ahras où notre Santa Anna – le général N. des Aït Bella – et son bataillon se distinguèrent avec leurs bangalores, alors que Slimane Lasso semait la terreur parmi les paras. Cela est vrai. Dans les bouquins concernant la guerre d’Algérie et qui sortent à foison, chacun icri ce dont il se souvient il y a 50 ans. Va savoir ce que tu as fait toi, lecteur, il y a seulement une semaine ! Le zigue, chercheur en histoire, recule donc de 50 ans et te ramène tous les détails du 14 février 1957. Il n’y a pas plus traître que la mémoire. On trouve ainsi des histoires racontées les nuits d’hiver dans les tipis (tente indienne) qui vous laissent coi. Un de nos vaillants moudjahidine, invité avec Yacef Saâdi aux States, a raconté à Sitting Bull et Bull Dozer : «C’était un jour de décembre, un mardi je crois, le 6 ou le 7, il neigeait, il faisait froid, il était 6h09, j’ai vu ma montre, j’étais seul sur le piton, mon groupe était loin derrière moi, j’ai vu passer 7 parachutistes dans la Vallée (il s’agit de la Soummam), j’ai tiré au hasard en fermant les yeux, j’ai compté 7 morts à la fin du combat, je les ai comptés.» Y a bourab! Sitting Bull se lève et lui offre son manteau fait de peau de caribou (à ne pas confondre avec Kharouba). C’est la vérité, hélas !, les archives se trouvent à Aix-en-Provence. Chaque livre se vaut et «un tien vaut mieux que deux tu auras» alors, je vous recommande de choisir une écurie (maison d’édition) pour le choix d’un roman, car les veaux (les auteurs) sont de plusieurs écuries et on leur donne peu de paille de leurs droits d’auteur. Au lieu d’icrir cela dans les quotidiens algériens, les journalistes laudateurs font dans le brossage des éléphanteaux en ignorant le fond du contenu des livres pour ne s’occuper que de la forme au format réduit de leur lecture et de leur compétence. Dans l’armée, l’homme le plus décoré plie sous ses décorations chèrement acquises avec du sang et des larmes, alors que les décorations littéraires sont des succès sans valeurs comme de la compote sans sucre : doucéfade ! Le succès passe, la valeur reste. Constante de Planck sur le déplacement des neutrinos ! Adoncques, on a décoré du prix Assia Djebar les trois langues des tribus : l'arabe, le kabyle, le français. Les prix ont été remis à Geronimo de la tribu apache, Cochise des Chiricahuas et Sitting Bull des Sioux. Vous pouvez vérifier sur Wikipédia, je ne raconte pas de sornettes. Le bilan communiqué par l’APS – la sacré clé USB, mamelle de la presse – est que 67 concurrents ont franchi le Rubicon. Ces 67 noms, on aurait aimé les connaître ainsi que les maisons d’édition. Mais comme la clarté en Algérie est la sœur de motus, on ne le saura pas. Par ailleurs, je me demande si les sept mercenaires du jury ont lu 67 romans en même pas deux mois, soit 1,1 roman par jour : je n’invente rien, j’ai calculé sans coup de reins. Comme la nature fait toujours dans les nuances et a horreur du vide, le prix Assia Djebar est passé du vide sanitaire à l’Anep, de la nèpe à l’Enag et de l’Enag au mystère. Où est le règlement que nous, les khémés du ranch, aimerions connaître. L’opacité c’est comme le saut à la perche, il est rare de tomber sur ses pieds si on ne prend pas le bon élan : l’honnêteté intellectuelle et la clarté. N’est-il pas là une suspicion envers le jury qui a fabriqué des rapprochements impossibles, délivré des emplois du temps en morse et s’est employé à faire voir les aveugles ? D’où l’absence ou la fuite de Merzak Bagtache, le président du jury, qui n’a assisté ni à la remise des prix ni à la photo-finish. Il a préféré être absent sur les escaliers du déshonneur : el-herba etsellek! Bien sûr, on lira Abdelwahab Aissaoui pour son roman en arabe, Sierra Muerte(Les montagnes de la mort) publié par la maison de la culture d’El-Oued* (3h10 pour El-Oued) ; Rachid Boukhroub en kabyle pour Tislit n’oughanim(La Poupée de roseau) ( Je suis une poupée qui dit non, non, non) publié par les éditions Amel, et Amine Aït El-Hadi pour L’Aube Au-Delàen français aux éditions Aden (L’Aube des damnés). Comme d’El-Oued à la Sierra Muerte, on est dans l’au-delà, c’est donc à l’aube qu’on trouvera des poupées dans les roseaux.
A. Z.
*Je ne savais pas que la maison de la culture d’El-Oued est une maison d’édition.
Vous qui êtes appelés à nous juger…
Les poètes disent en quelques mots ce que racontent les politiciens durant leur mandat et ça fait pétété. (A. Z.)
Le poète est convoqué chez le juge :
– Vous êtes accusé d’avoir livré des informations secrètes.
– Non pas, j’ai seulement dit ce que tout le monde pense.
– Penser est une chose, le dire c’est autre chose.
– La Révolution algérienne a été d’abord pensée avant d’être dite et lancée. Souvenez-vous du préambule : «Vous qui êtes appelés à nous juger…»
– La Révolution est d’un autre temps, dit le juge.
– Oui, «le temps des cerises».
– Expliquez-vous.
– C’est la chanson de la semaine sanglante de la Commune de Paris en 1871… et le peuple se libéra !
– Quel rapport ? dit le juge.
– Le rapport est que les poètes sont le levain des révolutions.
– On ne se libère pas avec de la poésie, dit le juge
– Si on n’avait pas lancé «Min djibel idha talaâ saout…», vous n’auriez jamais occupé votre poste et moi à être là devant vous.
Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.