Un expert confirme : «Il y a bien eu tromperie sur la marchandise dans le rachat de Djezzy»
La baisse du chiffre d’affaires de l’opérateur de la téléphonie mobile Djezzy remet sur la table la question du montant de son rachat par l’Etat algérien. Ainsi, au lendemain de la publication des résultats financiers de Djezzy pour le troisième trimestre de 2015, un expert en télécommunications confirme les informations rapportées par Algeriepatriotiquedans une série d’articles, mais qui n’ont jamais été prises en considération par les autorités publiques. Des informations selon lesquelles le montant du rachat de cet opérateur par l’Etat algérien était excessif et sa valeur surestimée. Dans un courriel adressé à notre rédaction, cet expert, visiblement très au fait du dossier, a affirmé avoir déjà tenté d’attirer l’attention des autorités algériennes sur le coût jugé astronomique de l’acquisition à hauteur de 51% de Djezzy. Il considère que les derniers résultats de l’opérateur n’ont fait que confirmer son diagnostic préétabli. Pour cet expert, il ne fut aucun doute qu’il y a eu tromperie sur la marchandise. «Les chiffres de Djezzy avant l’acquisition étaient trafiqués et gonflés ; le nombre d’abonnés était truqué avec notamment la programmation des boîtes vocales qui rend actif un numéro inactif juste en l’appelant, ainsi que le chiffre d’affaires trafiqué avec le mode de comptabilisation des forfaits postposés», a souligné cet expert qui ira encore plus loin en affirmant que même «les rapports de commissaires aux comptes étaient faux et ne reconnaissaient pas les redressements fiscaux (plus de 2 milliards de dollars de charges non reconnues)». Pour ce spécialiste, l’erreur résidait essentiellement dans l’absence d’un audit malgré les recommandations des experts. Il reproche ainsi à l’équipe de l’ancien ministre des Finances, Karim Djoudi, de n’avoir pas fait cet audit qui aurait évité à l’Etat algérien de payer cette acquisition plus que sa valeur réelle. «L’équipe de Djoudi et Fayçal Tadinit (cadre du ministère des Finances qui a été promu directeur général du Trésor par la suite) a toujours refusé de faire un audit malgré les recommandations répétées des experts. La valeur de Djezzy a été déterminée à partir de chiffres gonflés et de perspectives surévaluées. Ces chiffres n’ont jamais été contrôlés par la partie algérienne avant le versement de plus de quatre milliards de dollars dans cette opération d’acquisition», regrette cet expert qui corrobore ainsi les écrits d’AP sur ce dossier. En février 2013, nous avions, à travers la publication d’une contribution de Noureddine Legheliel, analyste boursier chez Carnegie, banque d’affaires suédoise, tenté d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur le risque de surévaluation des actifs de Djezzy pour gonfler le montant de son rachat par l’Algérie. A l’époque, le ministre algérien des TIC, Moussa Benhamadi, avait déclaré que le cabinet d’audit juridique et financier Scherman and Sterling avait évalué Djezzy à 6,5 milliards de dollars. Le ministre des Finances de l’époque avait parlé d’un rapport de confidentialité entre le gouvernement algérien et VimpelCom. En octobre 2014, nous avions publié un article dans lequel nous avions expliqué comment l’ARPT a fait perdre deux milliards de dollars à l’Algérie. Il s’agit d’une décision de l’ARPT dans le but de mettre un terme à la position monopolistique de Djezzy, qui aurait pu avoir un impact direct sur le prix de Djezzy, dont la valeur allait baisser systématiquement de deux milliards de dollars. En effet, la décision 06/SP/PC/ARPT du 6 février 2007, qui dispose expressément que «l'opérateur Orascom Telecom Algérie est en position dominante sur le marché du service de la téléphonie mobile au public de type GSM», aurait, si elle avait été suivie d’effet, soumis Djezzy à une série de contraintes réglementaires destinées à ramener ses parts de marché de plus de 60% à 45%, conformément aux lois en vigueur. C’est dire que rien n’a été fait pour racheter cet opérateur à sa juste valeur et faire des économies à l’Etat algérien. Aujourd’hui, on découvre le pot aux roses. Mais le coup est déjà parti !
Rafik Meddour