Une contribution de Youcef Benzatat – Non à la solidarité sélective qui nuit à la victime elle-même !
Non, le chroniqueur ne devrait pas être «solidaire» de la France. Parce que le chroniqueur a ses raisons. Passé maître dans l’encerclement du mot solidaire par des guillemets, afin de lui donner plusieurs sens, il saura certainement trouver les sens qui conviennent dans le cas de la barbarie qui a frappé aveuglement en France d’innocentes victimes, et briser leurs vies et celles de leurs proches, pour être en accord avec ses raisons. Qui seraient probablement, d’abord, non à la «solidarité» sélective, celle qui s’émeut du drame français parce que c’est la France, même si la barbarie qui s’est abattue sur elle est un peu de la faute de son exécutif. Car la France, comme les Etats-Unis d’Amérique lors des attentats du 11 septembre, dispose de suffisamment de moyens de coercition pour imposer à son tour la devise du «si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous». Pas de place à la nuance. Une solidarité inconditionnelle ou rien ! Celle qui ne demande aucun compte à rendre. Solidaires avec les yeux fermés et la bouche cousue sur toutes ses dérives, allant du financement des rebelles, aussi immoraux soient-ils – terroristes en puissance et semeurs de chaos en pleine lumière –, à leur armement et à leur soutien dans les négociations diplomatiques. Encore moins de pointer du doigt la destruction de pays entiers, l’assassinat de leurs présidents et la privation de tout un continent, l’Afrique. Pour laisser leurs habitants face à eux-mêmes dans des conflits tribaux et des guerres civiles particulièrement meurtrières et destructrices, en les abandonnant à leur sort face à l’insécurité et à la famine. Alors qu’ils vivaient autrefois dans une sérénité et une sécurité relatives, si ce n’était leur résignation face à la dictature. Aujourd’hui, pour eux, c’est pire. Dépossédés de leurs Etats, avec en prime des lendemains incertains et sans autre perspective que la probable partition de leurs territoires et la reconduction de la violence sous d’autres formes. Abandonnés par tous ceux qui ont participé à leur ruine. Non, le chroniqueur ne devrait pas être solidaire de la France, car la solidarité sélective est irresponsable et encourage plus de dérives. Telle la dérive en cours, celle qui consiste à stigmatiser tous les musulmans vivant sur les terres de France, d’Europe et de toutes les terres de l’Occident chrétien, exacerbant la haine intercommunautaire et jouant le jeu des barbares eux-mêmes, dont l’objectif est de raviver la guerre des religions, entraînant les différentes communautés dans la haine réciproque aux conséquences tragiques. Cette solidarité sélective est d’autant plus aveugle qu’elle tend à minimiser jusqu’à faire oublier la barbarie qui s’abat au quotidien sur la Palestine, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, le Nigeria, le Kenya, la Centrafrique et sur beaucoup d’autres peuples «indus», meurtris à cause de semblables dérives. Non, donc, à la «solidarité sélective», qui nuit à la victime elle-même, parce qu’elle piège la France comme responsable dans la menace qui pèse sur la paix dans le monde. La «solidarité» qui se juche sur les abus de pouvoir est une complicité avec une nouvelle forme de totalitarisme. Cette «solidarité» concomitante que le chroniqueur côtoie au quotidien sur les médias, les nobélisations et les consécrations littéraires sournoises. Cette solidarité facile et qui ne nécessite aucun effort, ni engagement responsable, qui au lieu de penser à peser sur leurs exécutifs pour aider ces pays à se débarrasser de ces hordes de barbares djihadistes, des dictateurs liberticides et corrompus et de construire un vivre ensemble solidaire entre tous les peuples, se contente de se regarder le nombril et de le prendre pour le centre du monde. Non, donc, le chroniqueur ne devrait pas être solidaire de cette «solidarité» qui détruit le monde au lieu de jeter les fondations d’un nouveau monde, qui préfère voir le chaos autour de lui et pas la quiétude dans laquelle il vit, qui vous parle de démocratie pour lui et pas chez autrui. Si le chroniqueur devait être solidaire, c’est par une autre solidarité, celle qui ne distingue pas la douleur chez les victimes de la barbarie. Celle qui s’abat sur la France, l’Amérique, la Russie, la Palestine, la Libye et sur tous les êtres vulnérables victimes de toutes sortes de dérives et de folies meurtrières. Tous les chroniqueurs devraient se défaire des liens qui les rattachent à leurs cartes de crédit, responsables de leur aveuglement complice dans ces dérives meurtrières et renouer avec leur dignité pour construire ensemble de nouvelles solidarités pour le salut de l’humanité.
Youcef Benzatat