Christiane Taubira : «Il est temps que nous arrivions au terme de l’affaire Tibhirine»
La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, veut en finir avec l’affaire des moines de Tibhirine qui «pollue» les relations algéro-françaises depuis 1996. Interrogée par une journaliste lors d’un point de presse conjoint avec le ministre algérien de la Justice, Mme Taubira estime, en effet, «urgent» qu’il y ait une réponse de la part des autorités algériennes pour clore le dossier. «Il est temps que nous arrivions au terme de cette affaire», a-t-elle déclaré d’emblée, arguant que «les familles des victimes expriment cette urgence d’avoir une réponse, de savoir très précisément ce qu’il s’est passé». «Nous en avons le souci de part et d'autre», a précisé la ministre, qui entame aujourd’hui une visite de travail de deux jours à Alger. Mme Taubira considère ainsi que le travail effectué par des experts en octobre 2014 nécessite des actes complémentaires pour aboutir à des résultats probants et connaître la vérité sur cette affaire de l’assassinat des sept moines trappistes la nuit du 26 au 27 mars 1996 à Tibhirine, dans la wilaya de Médéa. Un assassinat revendiqué par le GIA. «Il y a quelques actes d'expertises encore à accomplir et nous disposerons des matériaux nécessaires pour le faire», a ajouté Mme Taubira sans préciser la nature de ces matériaux. Il est ainsi utile de rappeler que la délégation française, conduite par deux juges, à savoir Marc Trévidic et Nathalie Poux, venue en octobre dernier en Algérie, avait exhumé les crânes et effectué des prélèvements sur les dépouilles. La mission de cette délégation était de déterminer si les moines étaient morts avant d’être décapités ou pas. Le juge Marc Trévidic avait demandé à prendre avec lui les prélèvements pour les faire analyser dans un laboratoire français. Ce qu’ont refusé les autorités judiciaires algériennes, en affirmant que l’Algérie disposait de laboratoires sophistiqués qui peuvent bien analyser ces prélèvements en présence des experts français. Mme Taubira veut-elle ainsi avoir ces prélèvements ? Les experts français avaient relevé que les crânes étaient intacts, contredisant ainsi l’hypothèse véhiculée par le général François Buchwalter selon laquelle les moines ont été tués par erreur dans une opération de ratissage par hélicoptères. Depuis 1996 et malgré la revendication du GIA de l’assassinat des moines, les partisans du «qui tue qui» en Algérie ont continué à semer le doute sur la version officielle des autorités algériennes. Mais leurs arguments ne résistent pas à l’épreuve de vérité. Une vérité qui sort de la bouche de nombreux Français qui se sont exprimés dans des films documentaires ou émissions de télévision. Il y a, par exemple, ce reportage diffusé en février 2014 par LCP qui a démontré clairement que les groupes islamistes armés n’agissaient pas seuls, mais qu’ils étaient en contact permanent avec des agents de liaison et des bailleurs de fonds à l’étranger et des mouvements politiques en Algérie dont le FIS dissous. C’est le témoignage du père Armand Veilleux, le supérieur des moines trappistes tués par le GIA, qui raconte que les terroristes qui avaient pour habitude de se rendre au monastère de Tibhirine ont demandé d’utiliser le téléphone fixe, mais qu’un des moines leur ayant refusé l’accès à l’intérieur de l’établissement leur a «prêté» son téléphone portable – quasi inexistant en Algérie à l’époque – pour, a-t-il dit, «appeler en Allemagne» et demander que leur contact «leur fournisse des armes». Voilà ce à quoi les autorités françaises doivent prêter attention.
Hani Abdi