Deux Algérie se disputent l’héritage de Hocine Aït Ahmed
Par Sonia-Linda S. – La disparition d’un géant de la scène politique algérienne – un monument du combat révolutionnaire et un des pionniers du mouvement national – a été douloureusement ressentie par les vrais Algériens, ceux qui sont attachés aux valeurs de Novembre, les enfants du peuple soucieux de voir leur pays en finir avec la dictature et l’emprise de la police politique sur la société civile, pour pouvoir bâtir une société juste, libre et démocratique, comme le souhaitait, imaginait et défendait durant des décennies Da l’Hocine. L’annonce du décès d’Aït Ahmed a eu l’effet d’un séisme en Algérie et partout dans le monde, avec des réactions rapides et spontanées chez les Algériens qui connaissent la grandeur et la valeur de l’homme. En revanche, les outsiders du mouvement national, ceux pour qui Aït Ahmed constituait un rival et parfois une menace à leur survie en politique, ont dès l’annonce du décès du dernier des neuf historiques qui ont décidé, en 1954, de déclencher le combat pour la libération, excellé dans l’hypocrisie en déversant des larmes de crocodile, avec en toile de fond l’intention de se positionner pour exploiter cet évènement douloureux à des fins stricto sensu politiciennes. Ils ont, force est de constater, pris par hasard conscience de la stature de l’homme, sa popularité en Algérie et sa réputation au niveau international. Certains cercles proches du pouvoir, qui ont de loin ou de près participé à la stratégie du système d’exclure l’homme, de le diaboliser, de le taxer de tous les maux et de l’éloigner de sa patrie, se sont précipités pour lui rendre hommage, au point où des erreurs historiques sur son parcours ont été enregistrées dans le message de condoléances du chef de l’Etat, adressé au peuple algérien et à la famille du défunt. En tout cas, toutes ces manœuvres conjoncturelles ont, semble-t-il, été vouées à l’échec, car cet homme du peuple a sa place parmi les siens, pour lesquels il a toujours œuvré pour leur émancipation, en les plaçant au centre de sa vision politique, son projet de société et son idéal de bâtir une Algérie libre et démocratique. D’ailleurs, Aït Ahmed a tout le temps réfuté le qualificatif d’historique de la Révolution, son leitmotiv a toujours été : «Il n’y a d’historique que le peuple algérien et sa souveraineté.» Aussi, l’hommage fort et sincère du peuple a été à la hauteur de la grandeur d’Aït Ahmed, à travers tout le territoire national, dans les réseaux sociaux, sans oublier le vibrant hommage de la jeunesse dans les stades de football. L’autre Algérie, celle des intérêts restreints, a vécu une grande déception, en dépit de ses tentatives tintées d’opportunisme pour exploiter l’évènement, avec un premier revers, la décision de la famille d’Aït Ahmed de rejeter l’offre des autorités de l’inhumer dans le Carré des martyrs, à El-Alia. Ainsi, il reposera éternellement à côté des siens, dans son village natal, dont les habitants ont affiché toute leur détermination à organiser les funérailles conformément aux traditions de la région où Aït Ahmed a vu le jour, là où il a grandi, rejetant toute intervention des autorités.
S.-L. S.
Londres
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