Le frère de Chadli Bendjedid à Echorouk : «Mon frère a démissionné de son plein gré»
Le frère de l’ancien président de la République, le défunt Chadli Bendjedid, revient dans un entretien accordé au quotidien arabophone Echorouksur la victoire du Front islamiste du salut (FIS) et l’arrêt du processus électoral en 1992. Khelifa Bendjedid a apporté son témoignage sur la démission de son frère du poste de président. Une démission qu’il a décidée lui-même, assure son frère, en affirmant avoir été mis au courant par Chadli Bendjedid quelques jours avant qu’il la signe. «J’étais chez moi, à Oran, avec mon gendre, le médecin Fethi Bekhchi, quand j’ai reçu un appel téléphonique. C’était le 7 janvier 1992. Un appel de la ligne fixe de mon frère, Chadli Bendjedid, qui demandait à me rencontrer chez lui, dans sa résidence à Zéralda. J’ai pris immédiatement la direction de l’aéroport d’Es-Sénia. Une fois à l’aéroport d’Alger, j’ai trouvé à l’accueil mon frère Malek, adjoint du chef de la première Région militaire. Je suis arrivé aux environs de minuit. J’ai donc passé la nuit chez lui. Et c’est là que j’ai appris le motif de ma convocation», a-t-il raconté, assurant que le président Chadli était tellement «choqué» par la victoire du FIS qu’il voulait démissionner sur-le-champ. Mais d’après Khelifa Bendjedid, il craignait l’impact de sa démission sur l’armée. «Une fois chez lui, j’ai confirmé sa décision de démissionner. Je lui ai demandé pourquoi il voulait me voir. Il m’a répondu : "Je voulais t’informer de ma démission pour que tu ne sois pas étonné ou choqué par son annonce à la télévision"», a ajouté Khelifa Bendjedid selon lequel le président Chadli était très affecté par la situation du pays depuis l’annonce de la victoire du FIS, le 26 décembre 1991. «Une situation qu’il vivait très mal jusqu’à sa démission.» Khelifa Bendjedid affirme que son frère avait signé la démission en sa présence, chez lui. «Au moment où on discutait de sa démission et de la situation du pays, le chef de protocole de la présidence de la République de l’époque, le général Benkortbi, lui a ramené une feuille qu’il a lue attentivement avant de signer. C’était sa démission», a-t-il assuré, excluant ainsi toute pression exercée sur son frère pour quitter son poste. Au contraire. Khelifa Bendjedid a souligné que son frère voulait démissionner le 9 janvier. C’était à la demande de l’état-major de l’armée qu’il a repoussé sa démission au 11 janvier. «Une demande motivée par le fait que l’armée n’était pas encore prête à affronter cette situation tendue et à haut risque», a précisé Khelifa Bendjedid. Avant l’annonce officielle de sa démission, Chadli Bendjedid, toujours selon son frère, a tenu une réunion avec les chefs militaires pour les sensibiliser et leur demander d’assumer leur responsabilité pour protéger le pays. Khelifa Bendjedid a beaucoup insisté, tout au long de cet entretien, sur le fait que Chadli Bendjedid avait démissionné par «conviction» et non pas sous la «contrainte». «Je suis convaincu que la solution à la crise actuelle réside dans mon retrait de la scène politique, m’a-t-il dit», a ajouté Khelifa Bendjedid selon lequel Chadli Bendjedid voulait quitter le pouvoir en 1988 lors du congrès du FLN. Il l’avait exprimé clairement devant les congressistes qui l’avaient presque obligé à rester à la tête du parti. Le témoignage de Khelifa Bendjedid apporte ainsi un éclairage sur cette période qui suscite beaucoup de polémique, notamment sur le rôle de l’armée, et confirme qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’Etat, mais d’une intervention de l’armée sous la contrainte et dans le but de préserver l’Etat.
Sonia Baker