Après les fous de Dieu, revoilà les démons des ruines !

Par Youcef Benzatat – Dans leur entêtement à vouloir imprimer une identité exclusivement amazighe aux Algériens, les berbéristes excluent des populations entières d’un héritage commun qui est cette Algérie d’aujourd’hui, façonnée par autant d’apports de populations étrangères et des conséquences sur ses métissages depuis plus de deux mille ans. Ils doivent se rendre à l’évidence que l’Algérie a cessé d’être exclusivement amazighe depuis que les premiers comptoirs phéniciens se sont établis sur nos côtes. Depuis ce temps, beaucoup d’autres peuples sont venus enrichir notre composante humaine, du nord, de l’est, de l’ouest et du sud. Leurs cultures réciproques ont également joué un rôle déterminant dans une interculturalité assumée par les autochtones, qui déboucha sur l’originalité et la spécificité de notre identité algérienne contemporaine, qui la distingue aussi nettement de celle de nos proches voisins, Tunisiens, Marocains et Libyens, dont les populations originaires sont pourtant aussi amazighes que la nôtre. Les berbéristes doivent savoir qu’ils ne sont pas seuls sur le sol algérien. Les habitants nés algériens, de parents algériens, eux-mêmes descendants d’arrière-parents algériens, habitant cette terre depuis des générations, même si leur origine est étrangère ou métissée, il est de leur droit de jouir de la qualité citoyenne algérienne au même titre que ceux qui se considèrent comme de purs autochtones amazighs. Encore faudrait-il que ces derniers puissent pousser l’absurde à son terme et attester génétiquement de cette pureté ! Par conséquent, le reste de la population est en droit de s’identifier exclusivement en tant qu’algérien et refuser d’être assimilé à des Amazighs. Le danger que laisse présager la revendication berbériste, à ne reconnaître à l’identité algérienne que celle amazighe, risque à terme de mener vers les travers des idéologies d’extrême droite, qui prônent le droit au sang au détriment du droit au sol, pour exclure de la qualité de citoyens à part entière ceux qui ne répondent pas à cette injonction. Une expérience fâcheuse, qui, lorsqu’elle a été poussée dans ses limites extrêmes, s’est soldée à chaque fois dans l’histoire de l’humanité par des catastrophes humanitaires tragiques sans précédent, allant du statut de dhimi,de l’apartheid, de l’épuration ethnique au génocide. Près de nous encore, l’expérience des fous de Dieu, qui a précipité le pays dans une guerre civile très meurtrière et destructrice, de laquelle nous venons à peine de nous en sortir, par le fait qu’ils voulaient imposer au reste de la population l’identité religieuse arabo-islamique exclusive est très édifiant. Comme l’expérience nous a montré qu’il n’y a pas d’islam politique modéré, il en va de même pour un berbérisme politique modéré. Car toute idéologie fondée sur l’identité et non sur des valeurs politiques républicaines est par essence intolérante, extrémiste pour finir par devenir totalitaire. Nous le voyons aujourd’hui avec les excroissances du mouvement berbériste, le MAKabyle, le MAChaoui et leur équivalent mozabite, qui attirent de plus en plus de militants venus des partis politiques traditionnels qui font de la revendication identitaire le noyau central de leur programme politique. De même pour un grand nombre de citoyens qui ne s’étaient jamais intéressés auparavant à la politique, et qui subissent de plein fouet l’attrait de ces mouvements extrémistes, comme au temps de la montée de la nébuleuse du FIS. Si les islamistes ont été temporairement domptés par le pouvoir, en leur confectionnant une loi de «réconciliation nationale» sur mesure et une Constitution qui met en valeur leurs revendications principales, à savoir une Algérie arabe et musulmane, les militants berbéristes, malgré une officialisation de circonstance du tamazight, ne semblent pas donner de répit à leur revendication d’une Algérie exclusivement amazighe, à défaut de quoi, celle-ci se traduit par une aspiration à l’autonomie tout court. En atteste la persistance du RCD à continuer à s’associer ouvertement aux manifestations publiques aux côtés du MAK. Allons-nous assister une fois de plus au réveil des démons de la guerre civile, qui semble devenir à chaque étape de notre histoire contemporaine, depuis la crise de 1949, la seule alternance possible dans notre vie politique, à défaut d’une véritable alternance démocratique ? Après avoir subi les démons des fous de Dieu pendant les années 1990, allons-nous encore une fois subir d’autres démons déchaînés, les mordus des ruines, pour une cause similaire, la revendication identitaire.
Y. B.

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