Bricolage politique fatal
Par R. Mahmoudi – Les émeutes qui secouent certaines régions de l’Est depuis quelques jours suscitent des interrogations sur la nature et la portée réelle de cette explosion sociale qui intervient dans un contexte national et régional extrêmement sensible. Le constat qui en est fait est partout et toujours le même : l’absence de dialogue et de médiation sociale fait que ces mouvements de protestation – souvent liés aux conditions de vie des citoyens – dégénèrent facilement, jusqu’à devenir incontrôlables. Comme c’est apparemment le cas des événements qui ont démarré de la petite localité d’Aïn El-Ma, dans la wilaya de Batna, et qui risquent, si la répression y perdure, de prendre une tournure insoupçonnée. Habitué à ce genre de situations depuis plus d’un quart de siècle, le pouvoir applique la même stratégie de fuite en avant et mise sur l’effet d’usure – ou celui des bombes lacrymogènes – pour ramener les contestataires au calme. Sauf que cette fois-ci, avec l'accumulation des problèmes et les signes d’effilochement que présente la classe dirigeante, il y a de vrais risques que les choses s’enveniment sérieusement. La responsabilité incombe donc entièrement à ce pouvoir qui n’a pas su mobiliser les moyens dont il dispose pour endiguer une crise patente, et qui ne voyait pas venir le danger. En faisant passer au forceps une loi de finances décriée même par des partis libéraux, le gouvernement Sellal est appelé, aujourd’hui, à rendre des comptes ou à se démettre. Les solutions improvisées sur le coup pour tenter d’atténuer les effets psychologiquement dévastateurs de sa loi antisociale – la réouverture des crédits à la consommation, entre autres – se sont avérées aussi ridicules que les incantations du ministre des Finances. Quelle que soit la forme que peuvent revêtir ces événements, quelles que soient aussi les profondes motivations qui ont pu animer ces jeunes en furie, ce qui se passe depuis quelques jours est porteur d’un message extrêmement fort qu’il reste maintenant à décrypter. Expression d’un marasme qui vient rappeler aux démagogues de tous bords l’insoutenable immobilisme social et politique dans lequel ils maintiennent le pays. Au-delà des revendications directes qui ne sont pas négligeables – augmentation des prix de certains produits ou services, détérioration du cadre de vie dans l’arrière-pays, etc. –, ce mouvement de contestation est aussi la conséquence d’une grave crise morale dans le pays, accentuée par une démission sans précédent des pouvoirs publics.
R. M.
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