Quel «modèle» !
Par Houari Achouri – Alors que seulement un semblant de «transition» était entamé en Tunisie, des voix intéressées proclamaient déjà, sans attendre la fin, qu’elle est réussie, pour nous la présenter comme le modèle de démocratie à suivre. Le discours prononcé hier par le président Caïd Essebsi remet les pendules à l’heure et ramène son pays à la case départ. Il ressemble à celui de Ben Ali, le cas du jeune de Gasrine ressemble à celui de Bouazizi et la manipulation qui s'en est suivie ressemble à celle de janvier 2011 également. Tout ça pour ça ! Qu'est-ce qui a changé en Tunisie, finalement ? Rien. En quoi le cas tunisien est-il un «modèle» ? Parce qu'il n'y a pas de guerre civile comme en Libye ? C'est ça être un modèle ? Les Tunisiens payent pour leur hypocrisie. N'importe quel Tunisien vous chuchotera à l’oreille sans oser encore le dire à haute voix : «Nous vivions mieux sous Ben Ali !» Ces mêmes parties et ces mêmes médias que Essebsi critique, ce sont eux qui l'ont porté au pouvoir, lui et le parti islamiste d'Ennahda ! La démocratie concoctée sous le parrainage de Sarkozy et compagnie plaît à l’élite tunisienne politiquement occidentalisée et socialement aisée, incarnée par Essebsi, présenté comme la seule alternative sûre aux islamistes d’Ennahda qui, pour leur part, n’ont pas pu répondre à ce qui était attendu d’eux quand ils étaient au pouvoir, c'est-à-dire donner une image «modérée» de l’extrémisme religieux et «recycler» les éléments fanatisés par leur propagande, en les transformant en agents de la «transition». Les jeunes ne veulent ni jouer les figurants dans une parodie de démocratie destinée à satisfaire les «amis» occidentaux ni servir de chair à kamikaze pour les criminels de Daech et autre Al-Qaïda dans des champs de bataille à l’étranger. Ce n’est pas dans ce but qu’ils se sont soulevés en janvier 2011. Ils ont compris que leur mouvement de protestation a été récupéré. Personne n’oublie que la première idée du pouvoir de Sarkozy avait été d’envoyer en Tunisie des «experts» en répression, comme l’avait clairement dit la ministre française des Affaires étrangères qui s’apprêtait également à livrer à la police tunisienne des grenades lacrymogènes. La deuxième idée, celle de la récupération, a finalement prévalu. C’est ce que les jeunes en Tunisie remettent en question aujourd’hui par leurs nouvelles révoltes sociales.
H. A.
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