Les «trous de mémoire» de Mokri ou comment les cheikhs Nahnah et Bouslimani ont été trahis

Le président du MSP, Abderrezak Mokri, multiplie les entretiens et les déclarations, au point où ils passent inaperçus. D’autant plus que, souvent, ses sorties ne présentent pas un grand intérêt ni pour les observateurs politiques ni pour le public, tous connaissent les tendances de ce parti et particulièrement de son dirigeant à adopter des positions en fonction de la conjoncture politique et du «vent dominant» avec, en plus, le souci de ne pas décevoir la fraction de sa base dominée par l’extrémisme. Dernièrement, Mokri a accordé une interview pour parler de la période du début des années 1990 et des faits qui ont marqué la mouvance islamiste, en particulier l’ouverture des centres d’éloignement dans le Sud du pays et la dissolution, par une décision de justice, du FIS, qui exerçait une forte concurrence au Hamas de l’époque. Abderrezak Mokri a rappelé que son parti s’était opposé à ces deux mesures, mais il délivre un discours unilatéral et déforme l’histoire en omettant d’évoquer des faits réels qui ne vont pas dans le sens de sa compromission avec les extrémistes Frères musulmans et avec le Président turc, Tayyip Erdogan, qui est accusé par nombre d’observateurs d’être un des principaux soutiens du terrorisme qui sévit en Syrie. Il oublie qu’en 1992, le fondateur de l’ex-Hamas, Mahfoud Nahnah, affichait des positions en faveur du Haut Comité de l’Etat dans des déclarations qui apparaissaient aux yeux des extrémistes islamistes comme une caution de la politique de «répression» contre le FIS. Son discours «modéré» sur l’islam lui valut le surnom, se voulant infamant, d’«’islamiste en alpaga». Mokri oublie la participation de Nahnah à la conférence de l’entente nationale et son appui à la nomination de Liamine Zeroual comme président de l’Etat pendant la période de transition. En 1992, le respectable cheikh Mohamed Bouslimani s’était également distingué par ses critiques contre le FIS et par son opposition à l’activité terroriste. C’est ce qui lui a valu son enlèvement en novembre 1993 par le GIA dirigé alors par Djaâfar Al-Afghani qui exigeait de Mohamed Bouslimani qu’il prononçât une fatwa qui rendrait licites les assassinats et le terrorisme. Le vice-président de Hamas refusa et fut égorgé ; son corps fut retrouvé en janvier 1994. Dans sa dernière sortie, Mokri a éludé les détails de cet épisode qui fut l’un des plus tragiques de l’histoire du MSP. Mohamed Bouslimani était également président de l’association El-Irchad oua Al-Islah qui avait été créée en 1989, en contrepoint de la création du FIS, et fut à l’origine de la création du Hamas (aujourd’hui MSP) dont il était, d’ailleurs, un des co-fondateurs avec Mahfoudh Nahnah. Une autre page de l’histoire du MSP a été ignorée par Mokri. Elle concerne la position de Nahnah à propos de Sant’Egidio où il est allé en se donnant pour mission, à travers sa participation, de se limiter à la dénonciation du terrorisme en Algérie. On sait que l’ancien président du Hamas a refusé de signer le document issu de cette rencontre dont il s’est retiré lorsqu'il a compris l'objectif de la rencontre, ayant toujours été contre toute intervention étrangère en Algérie, contrairement à ceux qui avaient assisté à cette rencontre, notamment les représentants du FIS à l'étranger. Mais il est vrai qu’en s’amarrant ouvertement au courant des Frères musulmans et en s’inféodant au régime islamiste d’Ankara, Abderrezak Mokri a fait prendre à l’héritage des cheikhs Nahnah et Bouslimani la direction inverse.
Houari Achouri

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