Qu’insinue Merkel ?
Par R. Mahmoudi – Après avoir joué les humanistes pendant deux mois, souvent à des fins électoralistes ou de marketing politique, les dirigeants occidentaux annoncent leur intention d’expulser des centaines de milliers de réfugiés dans les prochains jours. Ils veulent en finir avec une crise qu’ils ont eux-mêmes provoquée, en amont et en aval, et qu’ils sont en train d’aggraver. La chancelière allemande Angela Merkel, qui fut la première à ouvrir les bras aux expatriés syriens fuyant la guerre dans leur pays – pour en faire évidemment une main-d’œuvre bon marché –, est aujourd’hui la première à brandir la menace d’expulsion. Que s’est-il passé en l’espace de quelques semaines pour que ces pays décident de fermer leur porte à ces réfugiés de guerre ? Les commentateurs de la presse européenne justifient ce retournement de dernière minute par les incidents de Cologne, où des réfugiés se seraient adonnés à des comportements répréhensibles. Or, si c’était le cas, Bonn ne se serait pas plaint aux gouvernements algérien et marocain, en les sommant d’accueillir leurs «sans-papiers». Il va sans dire que les Maghrébins établis dans ce pays – de façon régulière ou irrégulière – n’ont pas un statut de réfugiés. Alors, il faut chercher les raisons ailleurs. Il y a eu, certes, les attentats du 13 novembre en France, qui ont fait ressurgir tout d’un coup les craintes d’une probable intrusion de Daech parmi les flux de réfugiés, dont beaucoup circulaient en effet avec de faux papiers et, donc, une fausse identité. Mais il y a plus important : la peur d’une montée fulgurante des courants d’extrême droite et xénophobes qui mobilisent autour du thème de l’immigration clandestine qu’ils lient à leur vision de l’Europe. C’est pourquoi tous les pays de l’Union européenne ont réagi de façon chronométrée pour endiguer ces vagues de migration venues d’Orient. Le plus dramatique dans cette histoire est d’imaginer le calvaire que vont devoir revivre ces malheureux apatrides. Vont-ils emprunter les mêmes chemins pour regagner leurs tentes de réfugiés en Turquie, alors que l’ONU se dit incapable de verser les financements exigés par Ankara ? Beaucoup seraient tentés d’aller vers d’autres horizons et pourraient «échouer» sur les côtes sud de la Méditerranée. Au train où vont les choses, on peut même s’attendre à des pressions – le discours de la chancelière allemande devant Sellal en donne un avant-goût – sur les pays les plus proches, dont l’Algérie, pour les amener à partager le fardeau.
R. M.
Comment (39)
Les commentaires sont fermés.