Jack Lang offre au Maroc un haut lieu de l’histoire de la résistance intellectuelle algérienne à Paris
Le Maroc vient de s'emparer des locaux de l’ancienne Union des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA) qui se trouve au Quartier latin pour construire son centre culturel. L’annonce a été faite à l’occasion de la visite du roi Mohammed VI en France. Jusqu’aux années 1980, ce siège accueillait essentiellement des étudiants algériens et était, pendant des décennies, le haut lieu de la vie intellectuelle maghrébine à Paris. Il abritait régulièrement diverses activités culturelles. Cependant, la présence des étudiants marocains et tunisiens était marginale, comparée à celle des Algériens qui étaient plus nombreux et plus actifs. La période précédant l’historique appel à la grève des étudiants du 19 mai 1956, lancé par l’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) était particulièrement bouillonnante, avec les réunions organisées dans les bureaux de ce centre par Ahmed Taleb Ibrahimi et les diplomates de sa génération qui étaient alors étudiants à Paris, nous confie une source informée. Signe de prédominance du nationalisme algérien dans ce haut lieu de l’histoire, un portrait de l’Emir Khaled était encore accroché au restaurant universitaire jusqu’à cette époque. Il est clair que le royaume marocain a réussi à s’emparer de cet immeuble grâce au concours des autorités françaises et, notamment, des responsables de l’Institut du monde arabe (IMA) qui, une nouvelle fois, confirment leurs accointances avec Rabat. D’après une enquête du journal Le Monde, l’immeuble sera démoli pour laisser place à un nouvel édifice qui sera financé entièrement par le Maroc, avec toutes les facilités administratives garanties par la mairie de Paris. Le président de l’IMA, Jack Lang, qui s’est dit heureux que Mohammed VI ait choisi «son» établissement pour présenter son projet, a mobilisé le Tout-Paris des lobbyistes pro-marocains, artistes, écrivains, politiques, journalistes… Il y avait l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy d’origine marocaine, Rachida Dati, l’écrivain conformiste et activiste anti-algérien Tahar Benjelloun, le sociologue français Edgar Morin – qui déclarait récemment que «le roi Mohammed VI est un rempart sûr contre le fanatisme religieux» –, l’ex-ministre de l’Education Luc Chatel, l’ambassadeur pour le rayonnement du français à l'étranger, Xavier Darcos, ou encore l’historienne Hélène Carrère d’Encausse. Le gouvernement algérien est appelé, à travers sa représentation diplomatique à Paris, à réagir à cette confiscation d’une partie de sa mémoire collective.
R. Mahmoudi