Les opérateurs économiques réagissent à la suspension de l’Accord d’association : «C’est grave !»
Par une note transmise par le directeur général des Douanes, «l’ensemble des franchises délivrées est considéré caduc à partir du 1er janvier 2016». Cette disposition touchant des produits provenant des pays partenaires commerciaux liés à l’Algérie par des accords de libre-échange a été interprétée comme la suspension de l’Accord d’association avec l’Union européenne dans son volet économique et commercial. Si, au niveau officiel, rien n’est venu confirmer cette mesure, par contre, chez le patronat, les réactions ont été immédiates. Slim Othmani a vite fait connaître son opinion. Le président du think tank Care a estimé que c’est «une décision très grave aux lourdes conséquences» qui «vient d'être annoncée». Le processus formel d'évaluation de l'Accord d'association entre l'Algérie et l’UE devait démarrer en janvier 2016 pour faire le point, dix ans après son entrée en vigueur, et aller vers une nouvelle étape, celle du partenariat, d’autant qu’un nouveau système de licences d'importation a été adopté par l’Algérie pour être mis en application en 2016. Les autorités algériennes ont visiblement réagi à la non-tenue de ce round d’évaluation. Pour les autorités algériennes, cette évaluation de l'accord d'association a pour but le renforcement des relations de coopération dans le cadre d'une prise en charge «réelle» et «équilibrée» des intérêts et des attentes «légitimes» des deux parties. En octobre dernier, le Conseil des ministres avait considéré nécessaire de réévaluer les volets économique et commercial de l'Accord d'association avec l'UE dans la mesure où il n'a pas réalisé les objectifs attendus en matière d'investissements européens en Algérie. Cette exigence de l’évaluation de cet accord a été renforcée par la chute des revenus extérieurs de l’Algérie consécutivement à la baisse des prix du pétrole. La partie européenne avait exprimé son accord avec la demande algérienne, pour engager des discussions en vue d’adapter les échanges économiques et commerciaux entre les deux parties, conformément aux principes de la réciprocité des intérêts et des avantages mutuellement partagés. On sait que la mise en œuvre de l’Accord d’association intervenue en septembre 2005 n’a pas produit les effets attendus par l’Algérie, comme l’indique la balance commerciale hors hydrocarbures qui est restée déséquilibrée avec l’Union européenne, principal partenaire dans les échanges commerciaux de l’Algérie. Les importations en provenance de l’Union européenne ont eu tendance à connaître une forte augmentation, alors que les exportations algériennes des produits manufacturés et des produits agricoles et alimentaires n’ont pas augmenté de la même façon, et comportent, en plus, une grande proportion de produits pétroliers et dérivés. Une récente évaluation de l'impact de l'Accord d'association (2005-2014), réalisée par l'Agence nationale de promotion du commerce extérieur (Algex), a relevé que les exportations algériennes hors hydrocarbures vers l'UE se sont établies à seulement 12,3 milliards de dollars sur dix ans, contre 195 milliards de dollars d'importations algériennes auprès de cette zone. Aux yeux des autorités algériennes, la mise en œuvre de l’Accord d’association n’a donc pas eu d’impact sur le niveau et la diversification des exportations. Des consultations informelles pour la révision du démantèlement tarifaire des produits industriels et des concessions tarifaires agricoles ont été lancées, conformément à la décision du Conseil d’association tenu à Luxembourg le 15 juin 2010. L’Algérie voulait reporter l’échéance de la mise en place de la zone de libre-échange à 2020 au lieu de 2017, et aller vers le rétablissement des droits de douane selon les dispositions prévues par l’Accord d’association pour une liste de produits sensibles. C’est, visiblement, ce qui a été fait.
Houari Achouri