Benflis à partir de Chlef : «Le régime algérien est inclassable»
De Chlef où il a présidé une rencontre régionale, Ali Benflis, président du parti Talaie El-Houriyat, a qualifié le régime politique algérien d’«inclassable». Il assure que les nombreux juristes et en particulier les experts en droit constitutionnel, en droit public, en sciences politiques et en sociologie politique que compte le parti se sont retrouvés face à un défi intellectuel insurmontable : celui de classer le régime politique algérien parmi les régimes constitutionnels connus dans le monde. «Nos experts se sont demandé si notre régime politique était de type présidentiel et ils ont conclu que non. Ils se sont demandé si notre régime politique était de type présidentialiste et ils ont conclu que non. Ils se sont demandé si notre régime politique était de type semi-présidentiel et ils ont conclu que non. Ils se sont demandé si notre régime politique était de type parlementaire et ils ont conclu que non. Ils se sont demandé si notre régime politique était un régime d’assemblée et ils ont conclu que non. Ils se sont donc retrouvés dans l’impossibilité de classer notre régime politique dans quelque catégorie que ce soit parmi tous les régimes politiques connus dans le monde. En conséquence ils ont dû trouver une solution à ce dilemme et ils ont qualifié le régime politique algérien d’hyper-présidentialiste», a-t-il souligné, estimant donc que le régime algérien est «unique au monde». Pour Ali Benflis, ce qui rend ce régime politique «inclassable», c’est le fait qu’il soit basé sur les personnes et non sur les institutions. «Notre régime politique est bâti sur un culte : le culte de la personnalité, le culte de l’homme providentiel, le culte de l’homme fort et le culte du zaimisme», a-t-il enchaîné, affirmant que l’Algérie n’a jamais connu de tels excès et une telle dérive. Le président de Talaie El-Houriyat considère que cette dérive est étrangère «à nos valeurs, à notre culture et à notre conception du gouvernant». Car, selon lui, l’Algérie n’a jamais vécu une situation où «un homme – et un homme seul – est placé au-dessus de l’Etat, de la nation, de la société, de la Constitution et des lois». Pour étayer ses propos, Ali Benflis rappelle que dans notre système politique, «il n’y a ni séparation ni équilibre des pouvoirs». Mais il y a «une concentration des pouvoirs entre les mains d’une personne que les clientèles qu’elle a constituées autour d’elle présentent comme l’homme providentiel et l’homme fort dont le pays aurait besoin». Ce système conduit selon lui à une situation où il n’y a plus de médiations politiques, économiques et sociales. C’est une situation où l’on trouve que des clientèles politiques, économiques et sociales qui gravitent autour du pouvoir personnel et qui donnent à celui-ci la fausse impression qu’il est efficacement relayé dans toute la société. Benflis estime que c’est dans ce fait que réside la nature totalitaire de notre système politique. Un système où il n’y a pas de contre-pouvoirs. Il décrit ainsi le mal qui ronge l’Algérie comme celui de l’illégitimité de ceux qui détiennent le pouvoir. La preuve selon lui est le nombre important des Algériens qui ne votent pas. «Vous savez tous où se trouve la source de cette illégitimité. Elle est dans la fraude honteuse et infamante qui confisque votre volonté, qui détourne vos voix et qui fausse vos choix. Le bulletin de vote que l’on force à exprimer ce qu’il n’a pas exprimé, ce n’est pas seulement un bout de papier que l’on manipule et que l’on jette. C’est beaucoup plus que cela et c’est beaucoup plus tragique que cela : ce sont des citoyennes et des citoyens que l’on prive de leur droit sacré de choisir leurs dirigeants ; ce sont des citoyennes et des citoyens que l’on empêche de participer effectivement à la gestion des affaires publiques», insiste Ali Benflis qui réclame une transition démocratique. «Nous réclamons une transition démocratique pour notre pays, car c’est d’elle que viendra la fin de l’immobilisme, de la stagnation et de la régression.» Le président de Talaie El-Houriyat parle de la nécessité d’un projet national qui va faire sortir le pays de l’économie rentière et qui va permettre aux citoyens de connaître le modèle économique souhaitable pour notre pays en demandant leur assentiment et leur implication.
Sonia Baker